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mieux. Je crois aussi que, vers la fin de sa vie, la paresse avait autant de part que l’amour dans ces heures nombreuses qu’il passait auprès de ses maîtresses. Après tout, elles ne lui servaient guère qu’à remplir son sérail, tandis qu’un plaisir attrayant par-dessus tout, la flânerie (sauntering), et celui de dire à tort et à travers tout ce qui lui venait dans l’esprit, sans se gêner en rien, lui tenaient lieu en définitive de sultane favorite. »


L’auteur du portrait loue ensuite, dans le maître qu’il avait étudié de si près, un esprit de justice sans lequel il aurait certainement préféré pour successeur son fils Monmouth, qu’il idolâtrait, à son frère Jacques, dont le caractère n’avait rien d’aimable, et c’est ainsi qu’il explique, peut-être un peu trop favorablement, l’extrême rigueur que Charles II mettait presque toujours à ratifier des arrêts dont la sévérité en certains cas était excessive. Beaucoup d’intelligence pour les petites choses, de rares éclairs, sans application, dans les grandes affaires, un véritable agrément dans la causerie, le talent de l’anecdote bien contée, telles sont les qualités destinées à atténuer les défauts que notre peintre a déjà signalés, ceux dont il lui reste à dresser la liste. — D’abord la prodigalité folle de Charles II, à l’égard de ses maîtresses, compliquée d’un singulier retour d’avarice qui « le faisait se dépiter quand il les voyait perdre au jeu quelques parcelles de l’or qu’il venait de leur prodiguer ; » ensuite une absence de délicatesse moyennant laquelle il acceptait toute sorte de rivaux et ne s’inquiétait guère s’ils lui étaient préférés ou non ; c’est aussi une dissimulation très habituelle et très adroite, qui ne l’empêchait pas d’être facilement dupe et de garder fort petite rancune à ceux qui l’avaient joué le plus fréquemment ; ce dernier ridicule d’autant plus bizarre en lui, qu’il le devinait très bien chez les autres, et les en raillait très volontiers.

Enfin, venant à parler de la bonne santé de Charles II et du soin excessif qu’il en prenait, lord Mulgrave s’exprime en termes fort précis sur les causes auxquelles il attribue la mort précoce de ce prince. « En ma qualité d’écrivain tout à fait impartial, nous dit-il, et attendu qu’on pourrait attacher une interprétation fort grave à mon silence, je me crois obligé de faire remarquer que le plus savant et le plus zélé des médecins du roi non-seulement l’a cru empoisonné, mais s’est cru empoisonné lui-même pour avoir donné son avis à cet égard avec un peu trop de hardiesse[1]. »

  1. Ce portrait de Charles est intitulé a short character of king Charles II ; il figure en tête des œuvres de Rochester Au surplus, les soupçons exprimés par lord Mulgrave sur la mort du roi n’atteignent pas Jacques II, — il le déclare formellement, — mais seulement le parti catholique en général, et les jésuites en particulier.