Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 10.djvu/915

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en 1810, la Banque commerciale, et de déclarer que cet établissement de crédit n’aurait aucun égard aux opinions politiques des cliens. C’est à ce prix seulement qu’ils purent espérer que ceux des commerçans qui leur étaient secrètement favorables oseraient manifester leurs sympathies pour eux. La nouvelle de la fondation de la Banque commerciale retentit dans toute l’Ecosse comme un coup de tonnerre, et fut envisagée par tous comme le signal de l’émancipation politique pour les classes commerçantes et industrielles.

La séduction complétait l’œuvre de la force et de l’intimidation. On choisissait parmi les ministres celui qui avait le plus de relations avec l’Ecosse, pour le charger de surveiller les élections dans le pays et diriger les affaires écossaises. Ce rôle fut départi pendant de longues années à Henry Dundas, le premier lord Melville, et après lui à son fils et à ses neveux. Henry Dundas appartenait à l’une des premières familles de l’Ecosse : sa naissance, ses talens oratoires, son expérience et ses qualités d’homme d’état lui assuraient une influence considérable dans le gouvernement. Habile et insinuant, les moyens violens et les persécutions n’étaient pas dans ses goûts ; il modérait bien plutôt qu’il n’encourageait le zèle intempérant et les écarts de ses partisans. Dans l’intervalle des sessions, Henry Dundas exerçait, à Edimbourg et dans son château d’Arniston, une hospitalité royale, attirant chez lui tous les hommes influens, tous les lairds campagnards, se montrant prodigue de promesses qu’il savait tenir au besoin, n’épargnant rien pour démontrer à tous que leur intérêt et l’intérêt de l’Ecosse étaient de soutenir énergiquement le ministère tory. Il gagnait les ambitieux par l’espoir de la faveur, en même temps que la crainte mettait les timides aux pieds du gouvernement.

Voilà donc quel était l’état politique de l’Ecosse à la fin du XVIIIe siècle : point de presse indépendante, point de liberté de réunion, des simulacres d’élections, la partialité et la violence jusque dans le sanctuaire de la justice, l’intolérance des opinions franchissant le seuil du foyer domestique ; enfin l’isolement et la perte de tout avenir pour quiconque ne croyait pas à l’infaillibilité de Pitt et de Dundas. Aussi tout esprit public s’était éteint, le silence régnait d’un bout du pays à l’autre, et un mot de lord Melville était obéi comme le plus absolu des ordres. Le parti whig à Edimbourg était réduit à trois personnes : le vieux jurisconsulte Archibald Fletcher, toujours enterré au milieu de ses livres ; un avoué, James Gibson, depuis sir James Gibson Craig, homme d’une persévérance indomptable, d’une infatigable activité et d’une grande fécondité de ressources ; enfin Henry Erskine, le premier des avocats du pays. Beau, élégant, spirituel, Erskine unissait toutes les