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par eux, et qui devint entre leurs mains un instrument formidable. Cette revue s’éleva bientôt au premier rang parmi les publications périodiques. Ce qui la rendait redoutable, c’était moins encore le talent des rédacteurs que leur modération. S’ils conquirent la victoire par la bonté de leur cause, ils la méritèrent aussi par leur conduite. Ils étaient libéraux, ils ne se firent pas révolutionnaires : ils furent les critiques, mais non pas les ennemis du gouvernement de leur pays. Ils voulaient, ils demandaient la réforme, non le renversement des institutions nationales, l’application sincère et loyale plus encore que le changement des lois. L’arme qu’ils employèrent ne fut pas la prédication violente, mais la discussion grave, digne, sérieuse, appuyée sur le savoir et sur le raisonnement. Provoqués et insultés souvent, ils ne répondaient à des injures que par des argumens. Ils ne se bornaient pas à critiquer ce qui existait, ils indiquaient comment on pouvait l’améliorer, invoquant tour à tour les enseignemens de la science et de l’histoire, l’expérience du passé, la comparaison avec les autres nations. Ils cherchaient à déterminer la conviction plutôt qu’à enflammer, à irriter les esprits, se reposant du succès sur la bonté de leur cause et la force naturelle de la vérité.

Leur conduite personnelle était aussi digne et aussi mesurée que leurs écrits. Ils ne s’agitaient point, ils ne songeaient pas à exciter les passions ni à remuer la foule ; mais chaque fois qu’une question était soulevée, ils se prononçaient sans ostentation et sans équivoque dans le sens de la liberté. Y avait-il un progrès à accomplir, une amélioration à réaliser, ils en étaient aussitôt les partisans et les appuis. Ils étaient à la tête de toutes les entreprises utiles, de toutes les œuvres élevées. Ils eurent l’idée de la Banque commerciale, qu’ils établirent sur les bases les plus larges et les plus équitables. C’est à Playfair que sont dues la pensée première et la fondation de l’Institut astronomique. La Société pour l’extinction de la mendicité n’eut pas de propagateurs plus zélés que les whigs. Ce furent eux qui fondèrent l’école lancastrienne, pour procurer aux enfans pauvres le moyen de s’instruire. Le dispensaire de la Ville-Neuve, établi pour soigner les indigens et leur distribuer des médicamens, fut également leur œuvre. L’académie d’Edimbourg, sorte de grand collège sur de plus vastes proportions et sur un plan meilleur que la haute école, a toujours regardé Cockburn comme son principal fondateur.


Ces services si grands et si nombreux ne pouvaient manquer de conquérir aux whigs la sympathie publique. La population ne pouvait