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s’empêcher d’être fière de l’éclat qu’ils jetaient sur leur pays par leurs talens et par leurs ouvrages : elle ne pouvait être ingrate pour le bien qu’ils faisaient, ou qu’ils aidaient à faire. Bien des yeux s’ouvraient à la lumière, bien des préjugés se dissipaient. Les tories avaient dû leur long ascendant à des alarmes dont le temps montrait tous les jours la vanité. À l’effroi causé par la révolution française et à l’horreur du jacobinisme avait succédé pendant quelques années la crainte de l’invasion ; mais, quand ces deux sujets d’appréhension eurent disparu, quel fantôme les tories pouvaient-ils évoquer pour effrayer les populations ? Il ne leur restait que les moyens dont ils avaient si longtemps abusé, ces moyens indignes que la peur avait pu subir, mais dont aucun argument ne pouvait justifier l’emploi. Trafiquer des fonctions publiques, corrompre les consciences, fausser les élections, pervertir la jurisprudence et les lois, devenait chaque jour une tâche plus difficile. Les tories modérés et clairvoyans étaient les premiers à reconnaître la nécessité d’opérer certaines réformes et de renoncer à des pratiques qui jetaient du discrédit sur leur parti. Les agens de Castlereagh continuaient à gouverner despotiquement l’Ecosse ; les sièges au parlement, les places dans la magistrature, tous les postes d’honneur, toutes les fonctions publiques, étaient encore au pouvoir des tories : tout l’édifice du passé restait debout, mais les fondemens avaient disparu. La population tout entière, insensiblement, par le progrès des lumières, par l’entraînement de la vérité, par la force de cet instinct qui pousse les masses, livrées à elles-mêmes, vers ce qui est grand, noble et utile, s’était rangée derrière cette poignée d’hommes dont la conduite avait forcé son estime, dont les principes avaient subjugué sa raison.

Les whigs avaient triomphé longtemps avant de se douter de leur victoire, Chaque jour leur amenait un nouveau succès. Ils fondaient un journal, et le Scostman arrivait en quelques mois à une publicité considérable, Ils se hasardaient à convoquer un meeting, et des milliers d’auditeurs accouraient pour les entendre. Les étudians de Glasgow appelaient inopinément Jeffrey aux honneurs du rectorat, enviés par les plus grands seigneurs. Walter Scott, pour soulager sa mauvaise humeur, pouvait tourner en ridicule le dîner en l’honneur de Fox et les cinq cents polissons qui y assistaient : ces polissons étaient cinq cents, et non plus vingt, et on remarquait dans leurs rangs tout ce qu’Edimbourg comptait d’hommes influens et considérés. Enfin Jeffrey rédigeait une pétition pour demander au roi le renvoi du ministère, et dix-sept mille citoyens, à Edimbourg seulement, venaient la signer. Deux ou trois ans encore, et Robert