Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 10.djvu/932

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Ne plus les retrouver… Sur ces beautés pâlies
Voir jeter sans pitié la terre du chemin,
Et pleurer ses amours, hélas ! ensevelies
Sous deux ais de sapin ;

Se rappeler ses chants, son jeune et frais sourire,
Les entretiens du soir sous les noyers feuillus,
Tous ces jours de délice et de joie, et se dire :
Ils ne reviendront plus !

Voilà la douleur vraie, amère, intarissable,
Celle qui laisse au front de ceux qu’elle a blessés
Un stigmate éternel, un signe ineffaçable
De leurs malheurs passés.

N’es-tu donc plus qu’un nom, Aimée, ô ma verveine !
De l’on être charmant rien n’est-il plus resté,
Rien de ton fier regard, de ta voix de sirène,
De ta vive beauté ?…

Souvent, lorsque la nuit s’étend sur la vallée,
Dans mon réduit qu’emplit l’obscurité du soir,
Une forme légère, indécise et voilée
Près de moi vient s’asseoir ;

Je l’entends qui soupire : à cette voix chérie,
À ces accens connus, mon cœur tremblant d’émoi,
Mon cœur palpite encore, et soudain je m’écrie :
— Bien-aimée ! est-ce toi ?… —

Mes paroles s’en vont mourir dans le silence,
Et je n’entends plus rien que le vent dans la nuit,
Et le fantôme blanc dans ma main qui s’avance
Glisse et s’évanouit.

Seul, quand les visions au loin sont envolées,
Seul, je te vois toujours à mon seuil revenir,
Fidèle compagnon des âmes désolées,
Pâle ombre, ô souvenir !


X – DEUX NOVEMBRE 185…


Dans un pays lointain où fleurit la bruyère,
Où parmi les ajoncs grandit maint châtaignier,
Il est un tertre humide au fond d’un cimetière,
Où personne ne vient s’incliner et prier.