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Où nous passions des matinées
À l’abri de ses buissons.

Pas une trace de souffrance ;
Tout est joyeuse indifférence ;
Partout des parfums et des fleurs…
Tu renais, cruelle nature,
Et tu couvres de ta verdure
Les traces de nos douleurs.

Le soleil fuit, le vent soupire ;
La lune d’or monte et se mire
Dans la rivière, bleu miroir ;
Sur les prés qu’un brouillard argente
Et sur la forêt murmurante
Descend le calme du soir.

Un rayon d’étoile se glisse
Jusqu’à la tombe que tapisse
La mousse aux tissus de velours ;
L’étoile, blanche et radieuse,
À la tombe silencieuse
Semble conter ses amours.

Astre tremblant, pure étincelle,
Es-tu la demeure nouvelle
De ma bien-aimée aux doux yeux ?
Es-tu son regard qui s’abaisse,
Étoile, brillante promesse
D’un monde mystérieux ?…

Mais des hauteurs du ciel sans voile,
Ainsi qu’une larme, l’étoile
Tombe et s’évanouit soudain.
Et toujours, au fond de la plaine,
On entend dans la nuit sereine
Le chant railleur du moulin.


ANDRE THEURIET