Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 10.djvu/945

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grande amélioration qu’éprouvait la nation devait être attribuée à la politique libérale récemment adoptée à l’égard du commerce étranger, et que le bien du pays commandait de persévérer dans cette politique et d’en développer les conséquences. Quelques jours après, la majorité de la chambre des communes repoussait le budget réactionnaire, et le cabinet tory cessait d’exister. Le principe protectioniste était irrévocablement détrôné au nord de la Manche : présage du sort qui l’attend partout, et dont il est facile de distinguer les signes de toutes parts, excepté en France.

Le ministère nouveau qui se constitua sous la direction de lord Aberdeen poursuivit aussitôt l’adoucissement du tarif des douanes et la mise en pratique moins incomplète du principe de la liberté commerciale. D’importantes mesures financières furent votées en 1853, sur la proposition du chancelier de l’échiquier, M. Gladstone, qui s’est ainsi placé très haut dans l’opinion publique en Angleterre et en Europe. Je n’en donnerai pas ici le détail. Je me bornerai à dire qu’elles sont hardies et toutes conformes aux réglés de l’économie politique la plus avancée ; l’événement les a pleinement justifiées. En ce qui concerne les douanes, elles ont réduit à 360 les articles inscrits au tarif : ils étaient au nombre de 1,100 en 1840 ; en 1845, : sous Robert Peel, ils n’étaient plus que 590. Deux articles sur trois ont donc été effacés du tarif pour entrer en franchise complète. Sur ceux qui restent, les droits sont bien moindres en général que ceux qui existaient auparavant, et pour les articles de grande consommation, ils sont très modérés. Il n’y a guère d’exception à cette règle de la modération que pour quelques articles considérés partout comme éminemment imposables, tels que le tabac et les spiritueux ; encore Robert Peel a-t-il abaissé d’un tiers le droit sur ce dernier article. La seule exception flagrante aux règles de la science des finances qu’on rencontre dans le tarif anglais est l’exagération du droit sur les vins, que lord Palmerston a eu aussi le malheur de défendre, en alléguant que le vin était un objet de luxe et d’un haut prix, à l’égard duquel un droit même élevé ne restreignait pas la consommation. Le litre de vin, quelle que soit la qualité, supporte en Angleterre un droit de 1 fr. 60 cent. ; c’est plus que dix fois le prix auquel la denrée se vend en temps ordinaire sur les lieux de production, tels que le littoral français de la Méditerranée, d’où il serait si facile d’en transporter des masses à peu de frais dans les entrepôts des trois royaumes britanniques ; car, sans la futaille, dans ces départemens du midi, on avait, avant l’oïdium, un vin très potable à raison de 10 centimes le litre. Le noble lord, qui sans doute ne boit que d’excellens bordeaux, en fait de vins de France, peut considérer que, pour les vins fins ; qui apparaissent sur sa table, 1 fr. 60 cent, est un droit insignifiant ; mais pour les habitans