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grandiose de l’Orient. Quand les deux autres volumes seront publiés, quand la pensée de l’auteur, un peu enfouie sous les détails, se dégagera avec plus de précision, l’Histoire de l’art, qui a déjà préoccupé le monde savant, donnera une importance nouvelle au mouvement d’études inauguré par M. Roeth. Quelque opinion qu’on se fasse des théories de M. Braun, il sera impossible aux hellénistes purs de dédaigner de tels livres. J’aurais voulu que M. Ernest Renan ne passât pas sous silence une école très contestable sans doute en bien des points, mais qui, par sa passion du vrai, par l’ardeur conquérante de sa critique, mérite ses sympathies. L’Histoire de notre philosophie occidentale de M. Maximilien Roeth, l’Histoire de l’art de M. Julius Braun, appartiennent au mouvement religieux du XIXe siècle. C’est dans les religions de l’antiquité que MM. Roeth et Braun cherchent leurs argumens et leurs preuves. Le sujet revient donc de droit à M. Ernest Renan, et personne mieux que lui ne peut juger cette école, qui n’a pas encore été appréciée en Allemagne avec l’impartialité scientifique. M. Roeth et ses amis sont traités de révolutionnaires par les disciples d’Ottfried Müller ; ce n’est pas là ce qui leur attirera les dédains de M. Ernest Renan. Sincère admirateur du génie hellénique, il connaît les richesses de l’Orient. Que MM. Roeth et Braun ne se plaignent plus des préjugés, des passions qui cherchent à les étouffer en Allemagne : ils ont en France un juge, c’est l’auteur des Études d’histoire religieuse, l’historien d’Averrhoès et des langues sémitiques.

Les découvertes de M. Roeth dérangeront peut-être les opinions de M. Renan sur la situation présente des écoles philologiques en Allemagne ; ce qui ne pourra être modifié dans cette belle étude, ce qui brillera toujours de la lumière du vrai, c’est l’explication si délicate des symboles religieux de la Grèce. Quand M. Renan fait une loi au mythographe de se reporter à l’époque où le premier aspect du monde enivra les premiers humains, il donne l’exemple en même temps que le précepte. Retrouver les impressions de l’homme primitif, c’est un grand art chez un esprit si réfléchi. M. Renan possède cet art et y excelle. Son explication du mythe de Glaucus est un petit chef-d’œuvre. Quel sentiment de la poésie de la mer et des formes religieuses qui en sont nées ! Toutes les idées de M. Renan sur la génération des symboles et des cultes sont ici parfaitement applicables. C’est bien du cœur de l’homme que sont sorties les religions antiques, et les élémens que les races primitives mettaient en œuvre pour satisfaire leur besoin d’idéal étaient empruntés à ce merveilleux univers, considéré par elles comme un trésor de vie. Le flot qui se joue au soleil, mais qui plus souvent gémit et gronde, est devenu le pauvre Glaucus, comme les beaux oiseaux des lacs de l’Inde se sont transformés en Vichnou. Glaucus est un personnage insipide chez