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En Angleterre, surtout après la réforme, on alla plus loin. Tant que le dogme catholique fut dominant, le soin des pauvres était demeuré à la charge du clergé seul, et, malgré un luxe inouï de pénalité, le nombre s’en accroissait à vue d’œil. La brusque dispersion des ordres religieux fut, à ce point de vue, une révolution économique et sociale. Non-seulement elle rejeta dans le monde une légion de moines dépossédés, et qui avaient à s’y faire une place, mais avec eux les cinquante mille parasites qui vivaient de l’aumône des couvens. On s’en aperçut bien sous Henri VIII, dont le règne fut marqué par soixante-deux mille exécutions capitales pour attentats à la propriété. À l’industrie de la mendicité avait succédé l’industrie du vol. Il fallut prendre un parti, et de là vinrent ces lois des pauvres qui ont si longtemps pesé et qui pèsent encore sur l’économie administrative de la Grande-Bretagne. Henri VIII n’entra pas sans hésitation dans cette voie ; on eût dit qu’ïl avait la conscience des embarras qu’il préparait à ses successeurs. Il fit un appel à la charité de ses sujets, provoqua des souscriptions, ordonna que des collectes fussent faites dans les églises. C’était encore de l’assistance volontaire ; mais sous Elisabeth ces taxes, d’abord libres et provisoires, prirent un caractère forcé et définitif. Le quarante-troisième statut de ce règne fixa les bases du régime qui a prévalu pendant plus de deux siècles, et dont beaucoup d’élémens subsistent malgré les modifications de 1834. Trois dispositions caractérisent ce régime : le recensement des pauvres, leur existence mise à la charge de la paroisse, la création d’une taxe obligatoire pour leur entretien. Voilà le berceau de l’assistance légale et le germe du paupérisme organisé. On sait ce qui s’ensuivit ; cette histoire a été souvent racontée. L’indigence avait désormais une action ouverte, un droit à exercer ; elle en usa et en abusa. De suppliante qu’elle était, elle devint hautaine, exigeante ; elle eut la menace à la bouche, et au besoin engagea des procès. Ses cadres s’élargirent, et si bien que la responsabilité des paroisses fut pour beaucoup d’entre elles une cause de ruine. La partie active s’épuisait à nourrir la partie inerte de la communauté, et pour soulager les pauvres, on en faisait d’autres à l’envi. Plus de prévoyance individuelle, plus de souci de l’avenir ; on comptait sur la paroisse pour suppléer aux conséquences du vice ou aux défaillances de l’âge : à quoi bon l’épargne quand on a en perspective un prélèvement sur le fonds commun ? Aussi cette taxe, légère à l’origine, devint-elle, avec le temps et à la suite d’innombrables abus, intolérable pour ceux qui y étaient assujettis. Il est telle localité, comme Cholesbury, où les revenus de ceux qui possédaient quelque chose étaient insuffisans pour acquitter le tribut légal envers ceux qui ne possédaient rien. En 1834, la taxe s’élevait, pour toute l’Angleterre, à 6,317,255 liv. sterl. (157,931,375 fr.). Une réforme était