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au trésor la certitude d’un revenu sur lequel il n’était pas possible de compter à l’époque de désordre et de déficit qu’avaient amenée les malversations et l’arriéré. Les malversations, du moins en cette matière, ne sont plus praticables, puisque le montant total des recettes à opérer est connu, et que la rentrée en doit être faite aux époques fixées. Quant à l’arriéré, il n’y en a plus. D’un autre côté, les terres qui étaient tombées en friche sont remises en culture ; la population ne cherche plus dans l’émigration un refuge contre des exactions qui étaient inévitables avec le précédent système. La perception a été réglée autant que possible d’après le mode usité en France. Le cheik-el-beled reste à peu près étranger à ce service, qui se fait au moyen de receveurs. Les cotes étant établies par avance et personnelles à chaque cultivateur, l’intermédiaire du chef de village est devenu inutile ; les taxes se paient mensuellement, et de la sorte les retards ne sont jamais assez considérables pour grever les cultivateurs d’un arriéré dont ils ne puissent aisément se délivrer. Du reste, s’il arrivait que, par suite de maladies, de négligence, d’épizooties, tel ou tel habitant d’un village fût hors d’état de payer sa contribution dans l’année, il pourrait vendre sa portion de terre, et il ne manque pas en ce moment de gens en Égypte qui ont de l’argent pour s’agrandir. En résumé, l’arriéré que Saïd-Pacha a sacrifié, et sacrifié sans réserve aucune, puisqu’il a jeté au feu tous les papiers qui y étaient relatifs, s’élevait à 80 millions de piastres ; c’était le sixième à peu près de ce que produisait annuellement le myry ou impôt foncier sous Méhémet-Ali.

Cependant là ne s’est pas bornée la générosité de ce gouvernement réformateur. Dans l’intérêt de la liberté commerciale, il a aboli les octrois et les douanes intérieures. Ces impôts étaient une autre source de vexations et une nouvelle entrave pour l’industrie des habitans. Les élémens nous manquent pour établir ici ce que rapportaient à Méhémet-Ali et à son successeur Abbas les douanes intérieures. Ce qu’on peut affirmer, c’est que la douane de Deraouy, près d’Assouan, qui était la plus pernicieuse, puisque son produit principal était le droit sur les nègres esclaves qu’on amenait de l’intérieur, donnait autrefois un revenu moyen de 250 bourses ou 31,250 francs. L’abolition de l’esclavage, décrétée par Méhémet-Ali et réalisée par Saïd-Pacha, a fait cesser les importations de nègres, et par conséquent la douane de Deraouy est tombée d’elle-même. Les autres douanes intérieures ont été supprimées. Le revenu qu’elles produisaient n’était d’ailleurs pas très considérable. Les octrois avaient plus d’importance. On devait payer un douzième ad valorem à l’entrée des villes. Cette taxe, déjà très forte, était de beaucoup augmentée par suite du mode de perception. Le gouvernement la cédait