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empruntés à l’Occident. Dans son opinion, c’était comme si les quatre puissances liguées contre l’Égypte eussent tiré contre elles-mêmes et contre l’influence croissante de leurs idées en Orient. Après la conclusion de la paix, il laissa tomber, au milieu de l’indifférence publique, la plupart des établissemens d’instruction, et l’école de médecine fut du nombre. Mohammed-Saïd a tenu à honneur de relever cette école et de la réorganiser. Le 10 septembre 1856, la réouverture de cet utile établissement avait lieu en présence du ministre de l’intérieur, des cheiks-ul-islam et des ulémas, dont l’adhésion était certes fort importante.

Former des officiers pour commander son armée, instruire des Égyptiens dans la pratique de l’art de guérir, voilà donc ce que le vice-roi a jugé le plus urgent. L’étude des lettres lui a paru devoir être réservée pour l’élite des jeunes gens de ses états. Il n’a pas cru convenable d’y appeler ses sujets en masse. Il avait le souvenir des tentatives avortées de son père. Méhémet-Ali avait réuni dans les nombreux établissemens que nous avons cités plus de neuf mille élèves ; mais il n’avait réussi qu’à les plier à une discipline tout extérieure, à laquelle échappait leur esprit. Les familles considéraient l’obligation d’envoyer leurs enfans au collège à peu près du même œil qu’elles envisageaient la nécessité de les diriger sur l’armée. On en a vu qui mutilaient les enfans dans l’espoir qu’ils seraient ensuite regardés comme impropres à entrer dans les établissemens d’instruction publique, et pourtant les élèves étaient bien logés, bien nourris, et même payés ! Il existe encore néanmoins, au Caire notamment, des écoles secondaires fréquentées par un nombre restreint de jeunes gens appartenant à l’aristocratie du pays ; mais le vice-roi n’a pas jugé utile de donner de grands développemens à ces institutions, ni de les multiplier. Ce n’est pas à dire que cet état de choses doive durer indéfiniment. La création d’écoles primaires un peu mieux conduites que celles des mosquées serait surtout opportune.

On aime à penser que le vice-roi n’a pas entendu se priver des lumières et des secours qu’assurerait à son gouvernement un corps de jeunes gens spécialement instruits dans les sciences, les arts, et même les lettres. Ainsi s’expliquent le maintien et la réorganisation de l’école égyptienne de Paris. L’idée de fonder ce qu’on a nommé la mission égyptienne, c’est-à-dire une école spéciale de jeunes Égyptiens à Paris, appartient à M. Jomard. Cette suggestion ayant été accueillie avec faveur par Méhémet-Ali, quarante élèves furent envoyés en France, et débarquèrent à Marseille en 1826. Ils furent bientôt suivis de nouveaux condisciples. Appeler des Égyptiens en France, c’est-à-dire soustraire ces jeunes esprits à l’influence d’une société énervée, ignorante, pour les transplanter au centre des