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pierre qu’ils travaillent), leurs membres musculaires, conformes aux modèles antiques de la force et de la beauté, leur air doux et intelligent, tout donne à cette population laborieuse un caractère remarquable. Leur costume de travail est aussi particulier : un chapeau de paille grossière rabattu sur les yeux et recouvert d’une toile peinte en noir, une chemise à raies bleues et des pantalons de toile blanche. Leurs maisons sont bâties de manière à défier les intempéries locales du climat. Les murs construits en gros blocs de la plus rude matière, les cheminées de brique, les toits à pignon recouverts en larges et fines tablettes de pierre, quelquefois en tuiles et en ardoises, mais protégées et reliées en ce cas contre les coups de vent par une triple rangée de dalles, les portes défendues par des porches carrés et à sommets angulaires, tout annonce dans ces habitations massives et solides une vie dure, exposée aux injures des élémens. La profession de carrier est assez lucrative, mais exposée à de fréquens chômages. S’il pleut le matin avant neuf heures, la journée est perdue ; si le vent est haut, la poussière chassée dans les carrières est si dangereuse pour les yeux des ouvriers, qu’il faut cesser les travaux. Si un enterrement a lieu dans l’île, un usage immémorial veut qu’on s’abstienne de manier la pierre pendant le reste du jour. Ces carrières de Portland, où l’homme livre aux puissantes roches une guerre productive, sont encore intéressantes à un autre point de vue que celui de l’industrie : on y trouve un exemple des formidables changemens que paraît avoir subis le niveau de la terre dans les anciens âges. Le banc de pierre à bâtir contient des débris organiques exclusivement marins. Sur ce banc repose un lit de calcaire qui a dû être formé par des eaux lacustres ; puis enfin sur ce lit s’étend une couche de substance bleuâtre qu’on suppose avoir été un ancien sol végétal, et que les mineurs désignent sous le nom de dirt bed. On y trouve un grand nombre d’arbres et de plantes tropicales silicifiés : les ruines d’une forêt sur les ruines d’un océan. Les troncs de ces arbres sont souvent debout, donc ils ont été pétrifiés au moment de leur croissance. On en a conclu que la région occupée maintenant par le détroit de la Manche et par les côtes environnantes avait été d’abord une mer dans le lit de laquelle s’accumulèrent les dépôts d’oolithe qui donnent aujourd’hui la pierre de Portland. Le lit de cette mer s’éleva graduellement et apparut à la lumière. Sur la terre ainsi échappée de l’abîme, les plantes commencèrent jadis à croître, et constituèrent de leurs dépouilles une couche de sol végétal, le dirt bed. Ce sol végétal, avec les arbres qui s’élevaient à la surface libres et fiers, fut ensuite replongé lui-même dans les eaux, non dans les eaux amères de l’Océan, mais dans les eaux douces d’une espèce de lac formé par l’embouchure d’un grand fleuve. Et le temps passait toujours. Un sol alluvien, déposé par les