Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 11.djvu/398

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le souvenir. C’est aussi dans les mers australiennes qu’on retrouve les poissons et les coquilles qui ressemblent le plus aux poissons et aux coquilles des mers oolithiques. Il existe donc à l’intérieur de la terre une chronologie des climats. Voyager dans l’histoire ancienne de notre planète, c’est parcourir l’échelle des degrés de température qui se succèdent aujourd’hui, selon les lignes de latitude et de longitude, à la surface actuelle du globe.

Si maintenant nous traversons la région de l’Angleterre qui s’étend du comté d’York jusqu’à l’extrémité du Kent, tout va changer autour de nous dans la nature : la physionomie des plaines et des montagnes, la couleur des roches, le caractère de la végétation, toujours en rapport avec le sous-sol, la race des animaux domestiques, la vie des habitans. Nous entrons dans le paysage à la craie. Il y a peu de formations géologiques dont les traits soient aussi reconnaissables. De longues lignes qui présentent l’apparence de côtes s’étendent dans l’intérieur des terres, d’où s’élancent avec leurs têtes arrondies des caps entassés derrière des caps, au pied desquels ondulent des plaines boisées ou couvertes de riches moissons. De temps en temps se creusent des vallées sans cours d’eau, couronnées de dunes arides et inégales qui semblent s’élever et tomber comme la mer après une tempête. Souvent le sommet des montagnes a été plus ou moins dénudé, et l’aspect de ces masses blanches qui déchirent le rideau de verdure contraste en douceur avec les roches de pierre, qui sont rugueuses, brisées, abruptes, informes. Le hêtre s’y plaît. Dans le comté d’Oxford, les Chiltern hundreds, groupe de montagnes crayeuses, ont été autrefois couvertes de bois et de fourrés de hêtres qui ont servi de refuge à des bandes de brigands. Quand l’eau s’y mêle, cette formation produit des scènes charmantes. Dans le Hampshire, près du village de Selborne, un promontoire de craie verse deux courans d’eau vive, — une source et un ruisseau, — qui tombent en cascade, dans deux lacs, deux petites mers, à la surface desquelles croissent avec une abondance sauvage les herbes aquatiques, C’est surtout dans le Kent, surnommé le jardin de l’Angleterre, qu’il faut étudier les beautés de ce paysage harmonieux. Je me souviens d’une promenade du soir sur les hauteurs d’Abbey-Woody une ancienne abbaye et un ancien bois, dont les derniers arbres s’élèvent sur le dos d’une petite montagne. Le soleil couché avait laissé à l’horizon une large tache de sang dans l’endroit du ciel où il venait de s’engloutir. La Tamise, le père Thames, comme disent les Anglais, ce grand et large fleuve sur lequel flottaient, voiles au vent, des apparitions de vaisseaux, coulait lentement vers la mer. Plus loin, dans la brume qui commençait à monter, bondissaient comme un troupeau de collines les hauteurs boisées du comté d’Essex. Au milieu de cette majesté de l’espace, un serpent de fumée