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ce sont les caractères de ce changement qu’il nous reste à étudier ; mais s’il est un fait sur lequel les savans de la Grande-Bretagne tombent aujourd’hui d’accord, c’est qu’il n’y a point eu d’une époque à l’autre solution de continuité. Beaucoup d’espèces nouvelles ont, au contraire, vécu à la surface des îles britanniques avec d’autres espèces qui s’éteignaient. Le matin des unes (j’emprunte la métaphore anglaise) s’est rencontré avec le soir des autres. La création ne recommence pas, elle continue. Le tombeau du monde qui finit est le berceau du monde qui va naître.


III

À huit milles de Londres s’élève une montagne appelée Shooter’s-Hill, qui n’a pas le caractère rocheux et sauvage des élévations qu’on rencontre dans le pays de Galles, dans le Devon ou même dans le Derbyshire. La contrée qu’elle domine présente également un heureux contraste avec les régions belles, mais désolées, qui ont été formées par les anciennes mers : il y a entre elles la différence d’un paysage fruste à un paysage moderne. Le sommet de Shooter’s-Hill, occupé par de jolies maisons de campagne surmontées de belvédères, par des parcs, des jardins, une église, commande un océan de verdure, dont les arbres forment les grosses vagues, et qui s’étend sur un espace infini. À droite, dans les plis et les replis de la Tamise, Londres apparaît avec ses monumens comme un rêve de ville. Woolwich, avec ses maisons, ses casernes, ses docks, son arsenal, ses obélisques de brique, se pelotonne au pied de la montagne. À gauche se découvrent des villages, des terres chargées du travail de l’homme et des espérances de l’année, des bois, des commons, vastes bruyères incultes où les pauvres de la paroisse mènent paître quelques moutons, un âne, quelquefois un vieux cheval. Cet horizon de verdure est le vrai type du paysage anglais, an english landscape. Les environs de Shooter’s-Hill ont eu l’honneur d’être décrits par Byron dans son Pèlerinage de Child Harold. Les dépôts tertiaires n’ont plus cette vaste étendue qui distingue les roches de seconde ou surtout de première formation, et qui donnent au paysage un caractère d’uniformité grandiose. Ici la variété des scènes qui se succèdent, l’horizon aux lignes reposées, la verte ceinture des coteaux, tout réjouit les amateurs de la nature classique. Les mœurs des habitans changent en même temps que la physionomie de la contrée ; tandis que sur les anciennes roches nous avons rencontré les traces de la vie pastorale, dans les riches plaines et sur les riantes collines d’une province géologique plus récente s’épanouit la vie agricole. La température même n’est pas moins influencé