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par l’âge et par la nature du sous-sol que par les degrés du méridien. Les roches primitives opposent à l’écoulement des pluies dans le sein de la terre leur surface dense et impénétrable, tandis que les couches poreuses de sable ou de gravier boivent à longs traits l’eau du ciel ; il en résulte que les premières accroissent par voie d’évaporation l’humidité froide de l’atmosphère. Les travaux souterrains des mines se trouvent aussi remplacés à Shooter’s-Hill et dans les environs par des ouvrages de terre à ciel ouvert : des déchirures artificielles du sol étalent au flanc des coteaux une argile rouge ou jaunâtre, convertie en briques par la main des ouvriers. Tout nous dit que nous avons sous les yeux une nouvelle perspective des choses créées, un nouveau monde.

Du temps de Cuvier, la formation tertiaire ou la renaissance de la vie était considérée comme un chaos de dépôts superficiels qu’on ne pouvait rapporter à des époques distinctes. Un éminent géologue anglais, sir Charles Lyell, se plaçant en face de sir R. Murchison, à l’échelle opposée de l’échelle des âges, a fait luire la lumière dans ces ténèbres. Avant eux, la géologie était un pont qui, pour emprunter l’allégorie d’Addison, enjambait une partie de la grande marée de l’éternité, et dont un nuage épais couvrait la première et la dernière arche. Aujourd’hui le nuage s’est déchiré et a laissé entrevoir le secret de l’antique nature. Par l’étude seule des coquilles, ces médailles frappées à l’effigie des températures successives du globe, sir Charles Lyell a séparé l’époque tertiaire en trois divisions : l’âge éocène ou l’aurore de la création moderne, l’âge miocène ou intermédiaire, et l’âge pliocène ou plus récent que les deux autres.

Cette première formation, l’éocène, est représentée surtout dans les bassins de Londres et du Hampshire, par un groupe de terrains argileux ou sablonneux. Quelques-uns de ces massifs atteignent la hauteur de plus de mille pieds, et attestent ainsi la profondeur des eaux, tour à tour douces ou salées, au sein desquelles ils ont été déposés. On y rencontre des os de crocodile et de tortue, une grande quantité de plantes, de fruits et de graines, des noix de coco, des mimosas, des acacias, des ébéniers, qui annoncent un climat quelque peu semblable à celui des contrées sous-tropicales dans le temps présent. Au nord de l’île de Wight, surnommée par les Anglais la perle de l’Océan, on a retrouvé aussi les restes fossiles de l’anoplothère, du palaeothère, du chœropotame, du dichobune, tous animaux qui annoncent le voisinage des terres. Dans les âges précédens, nous avons vu l’aube des mammifères paraître et disparaître. Au sein de la craie et des autres terrains qui succèdent à l’oolithe, quoiqu’un espace de temps incalculable se fut écoulé, nulle trace de leur existence. Les voilà maintenant qui se remontrent ; encore un