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direction d’où viennent ces blocs errans, la ligne des dénudations, le mouvement des rides d’argile ou de gravier qui courent du nord et du nord-ouest vers le sud, tout annonce qu’un mélange d’eau et de glace, se mouvant du nord au midi, a passé là. Par quelles circonstances fut produit ce courant ? La plupart des géologues anglais l’attribuent à un soulèvement de nouvelles terres vers le nord de l’Europe. C’était en effet une mer glaciale, un froid océan. La surface géographique de l’Angleterre subit alors des changemens formidables. Les îles britanniques furent en partie submergées ; les plaines et un grand nombre de plateaux élevés disparurent sous les flots, d’une mer sous-arctique ; des forêts entières furent ensevelies. Il n’y avait plus que les hauteurs de la Silurie et d’autres contrées montagneuses de la Grande-Bretagne qui tinssent la tête hors de l’eau, formant ainsi un archipel d’îles hyperboréennes. Une température sévère s’étendait non-seulement sur ce groupe d’îles, mais sur une vaste partie de l’hémisphère nord. Dans les couches d’argile mêlées de fragmens de roches qu’a laissées en se retirant cet océan ravageur, on retrouve des coquilles boréales qui annoncent un ancien climat boréal. Hugh Miller passa en 1850 quelques journées d’automne à examiner ces couches, élevées maintenant de 230 pieds au-dessus du niveau de la mer. Il y recueillit un nombre considérable de coquilles dont les mollusques ne vivent plus aujourd’hui près des côtes de l’Angleterre ni de l’Ecosse, mais qui continuent à se développer dans les hautes températures du Nord, comme près des côtes de l’Islande et du Spitzberg. Ces colonies de testacés ont crû autrefois et se sont multipliées dans les mers britanniques ; les individus sont nés et sont morts là ; l’abondance de leurs dépouilles ne peut avoir été que le lent ouvrage des âges : de telles médailles démontrent donc assez combien fut longue la durée de cet hiver géologique. Le déluge d’eau, de neige et de glace qui submergea une partie de l’Angleterre ne fut pas un déluge de quarante jours : ce fut une époque.

Durant cette époque glaciale, qu’étaient devenus les grands mammifères britanniques ? Les uns avaient péri ; les autres, mais en petit nombre, avaient survécu. Les animaux éteints n’ont d’ailleurs pas disparu violemment et à la fois : ces titans de la nature n’ont pas été accablés par de grands coups de foudre ni tous noyés dans le sein des eaux. En liant le passage de l’ancien monde au monde moderne par des changemens survenus dans les lois météorologiques du climat, les géologues anglais se sont attaché à démentir par des faits cette idée dominante de Cuvier, qu’entre ces deux âges de la nature « le fil des inductions était brisé. » Ils ont comblé par de sévères études, et en rétablissant le lien de la vie, cet abîme de