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CÔTES DE PROVENCE.

Suivre l’étroit chemin, rouge encor, le front bas,
Respirant le parfum du rameau de bruyère,
Et par deux fois tournant ses beaux yeux en arrière.

Midi de ses rayons perçait l’éther en feu,
La mer étincelait jusqu’à l’horizon bleu ;
Les pins, les aloès, les balsamiques plantes,
Chargeaient de leurs senteurs les brises défaillantes.
D’harmonieuses voix flottaient aux alentours :
Était-ce un de vos chants, muses des anciens jours ?
Est-ce toi, son lointain des flûtes de Sicile,
Dont l’écho m’arrivait sur la vague docile ?


II

CARQUEIRANNE.


Je les avais jadis visités, ces rivages
Où le cristal des eaux reflète un ciel si pur,
Où la terre embaumée abonde en fleurs sauvages,
Où le figuier s’incline et trempe ses feuillages
Au maritime azur.

J’en avais emporté les images heureuses ;
Dans mes songes, depuis, j’avais revu souvent
Les verts enclos, le môle aux vieilles dalles creuses,
Les grands pins contournés, dont les voûtes ombreuses
Chantent au moindre vent ;

Les sables où la mer aborde sans secousse ;
Le vallon, l’anse étroite, asile reculé,
Où les sources du mont, ruisselant sur la mousse,
Viennent jusques au bord confondre leur eau douce
Avec le flot salé,

Et les lits d’herbe épaisse, et les tièdes collines,
Et les blocs de granit couronnés de vieux bois,
Et les débris romains, solennelles ruines…
— Oh ! vivre une saison sur ces plages divines !
Avais-je dit parfois.

Vivre à deux, dans cette ombre et dans cette lumière ;
Fouler à deux la sauge et le thym du coteau ;
Se bâtir, au penchant de l’inculte bruyère,