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ginalité, et ils ont rencontré la bizarrerie. On cite un édifice où l’un d’eux s’est fait une règle d’éviter tout angle droit. Alfieri, l’oncle du poète, a montré un goût plus pur, mais il a peu d’imagination. Cependant quelques maisons offrent déjà cette grande et noble disposition intérieure qui donne droit en Italie au titre de palais. Un hôtel, c’est-à-dire une vaste habitation entre cour et jardin, est chose inconnue de l’autre côté des Alpes. Un bâtiment élevé, un peu massif, allégé seulement par le dessin et les détails de sa façade, s’ouvre sur la rue par une haute porte qui n’est point, comme chez nous, un portail isolé ou l’entrée d’un couloir où les voitures font halte en rasant la loge du portier. Cette ouverture, qui ne se ferme jamais pendant le jour, donne sur un large vestibule dont les colonnes supportent le poids de la maison, et dans cette sorte de salle extérieure s’arrêtent les équipages. Cette disposition a grand air, et quand elle est l’ouvrage d’un artiste habile, elle arrive à être une belle chose. Sur l’un des côtés de ce vestibule s’ouvre un escalier souvent monumental, et qui conduit à des appartenions dont les plafonds se courbent en voûte et ne manquent presque jamais de peintures exécutées avec une facilité qui ressemble au talent. La cour intérieure, ordinairement carrée, se termine quelquefois par un jardin, ou par quelques arbustes entourés d’une balustrade, ou par un mur que décorent des objets d’art, le simulacre d’une fontaine, d’une galerie en perspective ou d’une allée de parc. Il faut de bonne heure en Italie s’habituer à ce mélange de réalité et d’illusion, de relief et de peinture, de sculpture et de grisaille, à ce rapprochement du luxe réel des matières et des formes avec le trompe-l’œil économique de l’art du décorateur.

La disposition architecturale qui vient d’être indiquée, modifiée par la grandeur des proportions, par la richesse des ornemens, par l’inspiration ou l’habileté de l’artiste dans l’exécution, se retrouve partout de Gênes à Venise, et la variété vient plus de la différence des styles que de la diversité des plans. A Turin, peu de grandes maisons peuvent être citées comme des œuvres d’art, mais plusieurs sont de belles et nobles habitations; un luxe solide, que le temps peut ternir, mais ne détruit pas, prête aux appartemens ce je ne sais quoi d’imposant que la nouveauté la plus fastueuse ne peut obtenir. Nulle part, cet air d’opulence solennelle ne se montre avec plus d’éclat que dans le palais du roi. Il est difficile de voir un grand bâtiment plus insignifiant par ses dehors; mais le dedans est d’une vraie magnificence. Point de bons tableaux, point de riches ameublemens; mais les plafonds, les parquets, les dorures, les boiseries, l’heureux mélange des glaces et des incrustations de toutes sortes, un fonds de goût ancien donne à cette habitation le carac-