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dix siècles, c’est-à-dire qu’il ne le sera jamais. » L’éditeur qui publiait les piquantes lettres du président en l’an VII, par conséquent en 1799, ajoutait en note qu’on pouvait plus que jamais répéter son affirmation, « car, disait-il, il est probable que la république cisalpine ne sera pas tout à fait aussi curieuse de cette espèce d’édifice que l’était la maison d’Autriche. » Voilà comme on fait des prédictions sans se douter des révolutions du goût et des reviremens de la politique. L’achèvement de la cathédrale de Milan depuis le président De Brosses a marché à grands pas, et le fondateur de la république cisalpine y a dépensé 3 ou 4 millions. Dès aujourd’hui, il faut un peu d’attention pour s’apercevoir que tout n’est pas fini. Il manque encore quelques aiguilles aux cent trente-cinq qui doivent hérisser le faîte du monument, et cinq cent cinquante-neuf statues restent à ajouter aux dix-neuf cent vingt-trois dont l’extérieur est décoré. Le campanile, qui ne se voit point d’en bas, est provisoire et ne peut, sous aucun rapport, être conservé ; mais on ne remarque guère tout cela, et cette masse de marbre blanc sculpté dans toutes ses parties paraît quelque chose de complet. C’est un monument qui réunit l’immensité et la minutie, et l’immensité n’a pas empêché d’excellens juges de l’appeler colifichet. Ce n’est que lorsqu’on monte sur les toits en dalles de marbre blanc, que l’on se promène sur les terrasses supérieures au milieu d’une forêt de flèches dentelées, d’une armée de statues, d’un monde de stalactites ciselées, et que de là on porte ses regards sur tout Milan et au-delà de Milan, sur cette mer de verdure qui l’environne des Alpes aux Apennins, c’est alors, dis-je, que la cathédrale apparaît dans ses grandes proportions. Vue de la terre, la forme de sa façade et la multitude des détails la rapetissent un peu. La magnificence ôte à la grandeur; mais la grandeur reparaît lorsqu’on pénètre dans l’intérieur. Là est, selon moi, la vraie beauté de cette église. Sa vaste nef, dont les bas-côtés sont doubles et séparés par deux rangées de piliers à neuf colonnes engagées, est éclairée d’un demi-jour qui en laisse voir les profondeurs. A l’exception des peintures de la voûte, qui simulent pauvrement la sculpture, les ornemens répondent à la splendeur et à l’étendue du vaisseau. Trop petits pour l’encombrer, ils n’ont cependant rien de mesquin. Cette église a la majesté sans la tristesse. Une critique, même médiocrement savante, signalerait aisément des disparates, et surtout l’incohérence inévitable du gothique vieux et du gothique neuf; mais je m’en tiens à l’impression générale, et l’intérieur de la cathédrale de Milan reste une des plus belles choses qu’on puisse voir.

Si l’on veut du moderne, on n’a qu’à la comparer à l’église Saint-Charles, commencée en 1838. Il y a toute une famille de monumens