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que on ne peut oublier deux têtes de Léonard de Vinci, une sainte Famille de Luini, peintre peu varié, mais qui me charme toujours, une collection de dessins des maîtres où l’on distingue un portrait de Léonard par lui-même, au crayon rouge, le carton de l’École d’Athènes, de Raphaël, et des études de Michel-Ange. Les collections de dessins sont presque toujours ce qu’il y a de plus précieux dans les musées.

Le vrai musée de Milan est le palais Brera; c’est aussi une bibliothèque, ainsi qu’une pinacothèque et une académie. Comme dans la plupart des galeries, les tableaux de la pinacothèque sont presque tous des tableaux de piété; les mêmes sujets reviennent sans cesse, et cette uniformité finit par empêcher d’accorder une attention suffisante à des tableaux très estimables, dont le mérite n’a rien de saisissant. En voici deux cependant qui se font distinguer au premier coup d’œil : une Tête du Christ, aux trois crayons, par Léonard de Vinci, et qui passe pour l’étude de la tête du Cenacolo, et le Spozalizio ou le Mariage de la Vierge, ouvrage de Raphaël à dix-huit ans. La gravure a depuis longtemps popularisé ce tableau, qui peut passer pour le premier monument du génie du maître, quoique le style, l’agencement et les accessoires sentent encore l’école du Pérugin. Depuis que Beyle a raconté l’admiration de lord Byron pour l’Abraham renvoyant Agar, du Guerchin, on est obligé de s’y arrêter, et malgré l’attirail de musulmans de théâtre donné aux principaux personnages, on ne peut se défendre d’être ému par la belle et douloureuse expression de la physionomie d’Agar. Une Vierge, de Francia, une sainte Cécile, de Procaccini, une Crucifixion, du Tintoret, un saint Etienne, de Carpaccio, un portrait de femme, de Rubens, enfin de nouvelles Noces de Cana, ainsi qu’un Jésus chez Marthe et Marie, deux festins de Paul Véronèse, dans sa manière ordinaire, avec un tableau de saints du même maître, sont les ouvrages qui m’ont le plus frappé. Cependant il faut encore parler de Luini. Ses œuvres sont nombreuses au musée Brera. Ses fresques ont une légèreté, une grâce et une facilité qui enchantent. Son tableau de la Vierge et l’Enfant Jésus est un de ces ouvrages dont on a peine à détacher les yeux. Il me semble entrevoir deux types de Vierge. L’un, le plus archaïque, est aussi celui de Mantegna, que son élève Bartolommeo Montagna a heureusement reproduit ici dans une Adoration de la Vierge; cette tête semble se continuer jusque dans la Pietà de Michel-Ange, car on sait que, par un anachronisme volontaire, le grand sculpteur a donné à la mère, qui tient sur ses genoux le corps de son fils expiré, la figure d’une jeune fille. L’autre type, plus délicat et plus doux, est celui que Luini a répété toujours avec une grâce nouvelle. Peut-être a-t-il quelques traits communs, d’abord avec les