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tion qu’auparavant, pour obtenir en échange la même quantité de l’un quelconque de ces autres articles. Le prix de cette marchandise diminue donc, car le prix d’une chose est la valeur de cette chose spécialement rapportée aux métaux dont la monnaie est faite, ou, pour parler autrement, c’est la quantité d’unités monétaires qu’il faut donner pour en avoir un certain poids ou un certain volume[1]. La diminution de la valeur des métaux qui servent à faire de la monnaie se révèle tout différemment, en ce sens que leur prix reste le même; mais le prix de toutes les autres marchandises sans exception monte si leur valeur à eux-mêmes a descendu, et descend si elle a monté. Je dis que leur prix à eux reste le même, puisque, pour ces métaux spécialement et exclusivement, le prix est leur valeur rapportée à eux-mêmes; si la valeur de l’argent baisse de moitié, par exemple, comme l’unité monétaire ou le franc consiste chez nous en 4 grammes et demi d’argent[2], le poids du kilogramme de ce métal supposé fin ne cessera pas de valoir 222 francs 22 cent., parce que 1 kilogramme contient li grammes et demi 222 fois et une petite fraction; mais dans ce cas le prix du plomb, du fer, du blé ou du vin et de toute autre marchandise sera doublé, parce que, pour obtenir une même quantité de ces articles, il faudra donner une quantité double d’argent.

C’est ainsi que l’exploitation des mines de l’Amérique eut nécessairement pour effet la hausse générale des prix, renchérissement universel.

La baisse des métaux précieux ou, ce qui revient au même, la hausse des prix ne fut très sensible en dehors de l’Espagne qu’après le milieu du XVIe siècle. Peu après le commencement du XVIIe le fait était accompli de toutes parts en Europe, dans toute l’étendue qu’il y avait lieu d’attendre, en conséquence de l’abondance qui caractérisait les mines nouvelles et des moindres frais qu’en exigeait l’exploitation. Pour l’argent qui avait été extrait des mines en plus forte proportion que l’or et à des conditions plus avantageuses, la baisse avait été au moins dans le rapport de 1 à 3; la hausse des prix des marchandises était dans la même proportion. Dans les transac-

  1. On voit qu’ainsi le mot valeur a un sens relatif, mais général. Le mot prix a un sens relatif aussi, puisque c’est la valeur rapportée à une substance déterminée, c’est-à-dire au métal dont est faite l’unité monétaire; mais, par cela même, c’est spécial et précis.
  2. dans le cours de cette étude, lorsqu’il sera parlé d’un poids déterminé d’or ou d’argent, sans indication du litre, c’est-à-dire du degré de finesse, je prie le lecteur de se souvenir qu’il s’agit de ces métaux à l’état absolument fin ou exempt d’alliage. C’est ce qui se désigne ordinairement par le titre de 1,000 millièmes. On sait que le titre des monnaies françaises est de 900 millièmes, ou 9 dixièmes, c’est-à-dire qu’elles contiennent un dixième d’alliage.