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perdre toute politique de libéralisme organisateur, la vraie politique du gouvernement libre. Tous deux réussissent à provoquer, à motiver l’intervention de tout arbitre qui viendra leur imposer silence et leur interdire toute influence sur les destinées de la société. Au nom de ceux qui n’ont jamais désespéré de la justice et de la raison à ce point de condamner notre pays au remède d’un absolutisme quelconque, de ceux que jamais la peur ni la haine n’a réconciliés avec aucune oppression, un homme chez qui la fermeté de l’esprit égale celle du caractère, et qui a pris part pendant trente années à toutes les affaires de son pays, comme à tous les événemens de la révolution, vient de publier un livre d’une grande importance, et qu’il présente avec calme à ses amis et à ses ennemis. Il me siérait peu de parler ici de la personne de M. Duvergier de Hauranne, et de rappeler avec développement son droit d’être écouté. Ceux qui le récusent me récuseraient. Chacun réalise ses intentions et applique ses principes suivant sa nature et son esprit ; mais ses intentions ont toujours été les miennes, ses principes sont les miens, et nos fortunes ont toujours été les mêmes. Ce que je dirai seulement, et sans crainte d’être contredit, c’est qu’on ne citerait pas aisément un publiciste qui l’emporte sur lui pour l’énergie de la conviction, la sincérité du langage, la pénétration de l’esprit, le dévouement à ses idées. Cela suffit pour lui donner sur le sujet qu’il traite la plus grande autorité. Quant au talent d’exposer et de discuter, quant à la clarté et à l’exactitude, quant à l’art de composer un ouvrage étendu et difficile, je n’ai pas besoin d’en rien dire, je m’en rapporte à tous ceux qui l’auront lu.


II

L’ouvrage de M. Duvergier de Hauranne est une histoire, mais c’est l’histoire d’un système de gouvernement. Cette histoire serait sans objet et sans valeur, si le système n’avait par lui-même aucun prix, et quoique l’auteur ne le discute jamais qu’en vue des faits qu’il raconte et qu’il juge, son histoire suppose nécessairement une certaine philosophie politique. Il ne donne pas la sienne a priori, il n’en recherche point les principes abstraits, ce n’est pas son sujet ; mais il est constamment guidé par des idées générales qui pourraient être assez facilement réunies en corps de doctrine, et quel que soit l’intérêt de ses récits, de quelque sagacité qu’il fasse preuve dans l’appréciation des événemens et des hommes, on ne peut, en le lisant, oublier le but qu’il se propose et la thèse qu’il soutient. Il y a donc dans ce livre deux choses à examiner, les idées de gouvernement,