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sait, mais votre inertie même, qui a conservé le grossier petit chariot portant l’aimant, assure vos droits à la plus belle des inventions, comme votre invariable manière d’imprimer assure vos droits à la plus utile des créations du génie de l’homme. L’imprimerie, par rapport à l’écriture et à la pensée, a été ce que les voitures à vapeur sont aux modes anciens de transport des voyageurs.

Le marin au milieu des déserts de l’Océan, le voyageur au milieu des pays sans habitans et sans routes, l’ingénieur qui lève le plan d’une mine ou d’une forêt, le pieux musulman qui veut orienter vers La Mecque la natte sur laquelle il va se mettre à genoux, enfin le physicien penseur qui tâche de remonter vers la cause d’un si curieux phénomène, tous ont l’œil fixé sur l’aiguille animée d’un instinct mystérieux. Dieu est grand ! Allahou akbar ! dit l’impassible musulman. Le savant, plus ambitieux, dit : Pourquoi ?

Cette direction constante de l’aiguille n’est pas exactement vers le nord. Il suffit pour qu’on l’utilise qu’elle ne varie pas beaucoup pendant un assez long espace de temps, mais la notion que je veux ici rattacher immédiatement à cette direction à peu près constante de l’aiguille aimantée, c’est la variation de cette déclinaison qui a lieu chaque jour. Chaque jour, le matin, la pointe polaire de l’aiguille, qui est chez nous la pointe nord et dans l’autre hémisphère la pointe sud, semble fuir le soleil et marche vers l’occident jusque vers le milieu du jour. Elle revient ensuite pendant la soirée à sa position primitive et reste tranquille pendant la nuit. Plus rarement elle commence sa marche par un petit mouvement vers le soleil, puis elle le fuit comme à l’ordinaire, mais elle revient le soir un peu au-delà de sa position du matin, et elle fait alors un petit mouvement contraire pour reprendre exactement son point de départ. J’essaierai tout à l’heure, d’après la belle loi de M. Duperrey, de faire comprendre la cause de ce curieux phénomène.

Si, sur la terre, un observateur marche toujours vers le nord, en prenant le milieu entre les excursions extrêmes des étoiles qui environnent le pôle, il suit ce qu’on appelle un méridien terrestre, et tous les observateurs qui suivraient une route semblable iraient se réunir au pôle terrestre, après avoir tracé sur la terre une ligne quelconque qui serait mathématiquement un méridien géographique. M. Duperrey appelle fort justement méridien magnétique la ligne que tracerait sur le globe un observateur qui suivrait constamment la direction indiquée par la boussole. On trouve ainsi que tous les méridiens magnétiques, au lieu de se réunir, au pôle nord et au pôle sud de la terre, concourent, pour l’hémisphère septentrional, vers un point ou pôle situé au nord de l’Amérique, et, pour le sud, vers un pôle qui n’est pas tout à fait placé à l’opposé de celui-ci.