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et l’exposition et la critique des faits, ou en d’autres termes la politique et l’histoire.

Ce qu’on appelle la question du meilleur gouvernement a cessé de tenir une grande place dans les controverses spéculatives. Depuis que l’état successif des sociétés est devenu l’objet préféré de l’attention et de l’étude, depuis que la philosophie de l’histoire a été inventée, on s’est accoutumé à regarder comme la meilleure forme de gouvernement celle qui résulte de la situation et de l’âge de la société à laquelle elle s’applique. Je n’objecte rien à cette manière de résoudre la question, si ce n’est qu’elle ne la simplifie pas beaucoup, car, quelle que soit la condition d’un peuple, on pourra toujours concevoir plusieurs manières de le gouverner. L’examen d’une époque et d’un pays nous éclaire principalement sur la possibilité, et comme il y a toujours plusieurs choses possibles, il faut choisir entre les gouvernemens possibles, et la question du meilleur à choisir revient sous une autre forme. Lorsque tout est stable, lorsque les institutions sont sous la garde d’une tradition séculaire, inviolable, parce que l’opinion la tient pour telle, la question du meilleur ne se pose pas, ou du moins elle ne regarde que les faiseurs de livres ; mais dans les temps d’instabilité, lorsque le monde tourne sur la roue des révolutions, surtout dans un pays qui, en soixante et quelques années, a passé par plusieurs sortes de monarchies et de républiques, on ne saurait, à moins de faire son deuil de toute stabilité, ne pas chercher laquelle est préférable, et, sans aucune prétention d’influer sur les faits ni de provoquer aucun changement, on est obligé, ne fût-ce que pour calmer son esprit et satisfaire sa raison, de se poser la question du meilleur gouvernement.

Au fond, les plus résignés, les plus indifférens, les plus sceptiques, l’ont résolue chacun pour leur compte, car ils ont tout au moins des craintes ou des espérances. Ils voient avec inquiétude ou confiance un pouvoir s’établir, avec satisfaction ou terreur tomber un autre pouvoir. Certaines mesures les rassurent, d’autres les alarment. Il y a des institutions qui obtiennent leur respect ou leur sympathie ; il y en a qu’ils appréhendent ou qu’ils condamnent. Ce n’est pas une des moins rudes épreuves auxquelles les révolutions soumettent les hommes que cette nécessité pour les plus paisibles ou les plus frivoles de se faire une opinion en dépit d’eux-mêmes, et si ce n’est par réflexion, au moins par sentiment, de s’intéresser et de prendre intérieurement parti pour des choses qui les dépassent, et auxquelles ils voudraient ne point penser. Au temps des guerres de religion, il faut, sans être théologien, opiner en matière théologique ; aux époques révolutionnaires, on n’échappe point à la politique, pour n’en pas faire son métier. On n’élude même pas la responsabilité