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que de qui sait lire (dans la plus haute acception du mot); il n’est apprécié que de qui sait juger. Le Leader, où il a d’abord fait son chemin, est, sinon le premier, au moins un des meilleurs hebdomadaires anglais, et par malheur un des moins répandus. M. Whitty, victime d’une injustice analogue, ne trouverait peut-être pas en Angleterre et en France, — tout compris et tout compté, — deux mille personnes qui aient retenu son nom. Eh bien! ce nom, dont le retentissement est si étroitement circonscrit, est celui d’un artiste qui, mieux inspiré, mieux dirigé ou se dirigeant mieux, réglant mieux sa vie et l’emploi de son talent, plus consistant, plus fidèle à ses amitiés, plus avare de ces abandons subits qui ressemblent à des trahisons, et de ces médisances qui ressemblent à des calomnies, aurait tout présentement une des hautes positions de la presse politique. Pourrait-il aspirer à une autre? Serait-il en mesure, émule heureux de tous ces jurés anonymes qui passent chaque jour verdict sur les actes et les discours des hommes publics, de disputer aussi la palme aux romanciers d’élite? Pourrait-il, comme il semble y prétendre, — comme Théodore Hook le fit jadis, — comme l’ont essayé MM. Disraeli et Bulwer, comme Thackeray semble y songer, — compté au parlement, goûté dans les reading-rooms, être à la fois étoile politique et lion littéraire? Ceci est une question que nous examinerons plus tard et plus à loisir. Arrêtons-nous d’abord au publiciste; nous jugerons ensuite le début du conteur.


I.

Par une assez rare bonne fortune, les articles épars de M. Edward Whitty ont été recueillis à deux reprises différentes. Nous avons donc sous les yeux, — petits volumes brochés de rouge, et du plus vif, par un éditeur facétieux[1], — une série d’esquisses parlementaires, l’histoire d’une session (1852-1853) et une galerie de portraits politiques, où figurent tour à tour les chefs de la fraction la plus vivace du parti tory, — les Derbyites, comme on les appelle du nom de leur chef, lord Derby, et les membres de la coalition qui tient à cette heure, et depuis plusieurs années, toutes les hautes positions gouvernementales du royaume-uni. En tête du premier de ces volumes se trouvent les avis aux nouveaux membres du parlement (Hints to new M. P’s.), admonitions ironiques qui résument, en somme, les opinions éparses dans les chapitres qui suivent.

La chambre des communes, au dire de M. Whitty, est un lieu clos, où l’on respire une atmosphère sui generis. Le soleil et l’air s’y

  1. Trubner and C°, 12 Paternoster Row.