Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 11.djvu/701

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nent ; il a eu à réprimer une tentative d’insurrection dans l’Andalousie, et il l’a domptée énergiquement. La confiance de la reine n’a pas paru lui manquer jusqu’ici dans les diverses luttes qu’il a dû soutenir et qu’il a soutenues avec succès. Tout semblerait donc se réunir pour créer une situation dégagée d’embarras et de périls, et cependant, si l’on en juge d’après bien des symptômes, il est évident que cette expérience d’une année n’a pas produit tous les résultats qu’on en attendait, en ce sens que l’Espagne aujourd’hui se trouve calme il est vrai, mais incertaine. L’ordre est à la surface, pourrait-on dire; il n’est pas dans les esprits et dans les choses. De là une situation indécise et pénible, où l’état moral et politique du pays ne s’améliore pas, malgré toutes les garanties de stabilité reconquises, et où les crises de pouvoir sont toujours imminentes, comme on vient de le voir récemment encore. En peu de jours en effet, le ministère a donné sa démission, puis il s’est décidé à conserver la direction des affaires. Comment s’est accomplie cette brusque péripétie? C’est ce qu’il serait peut-être difficile de préciser avec une complète exactitude, d’autant plus qu’au premier abord on n’aperçoit aucun fait, aucune question intéressant la marche générale de la politique. Le parlement est absent; il n’est survenu aucun incident intérieur de nature à provoquer des dissentimens sérieux. La seule affaire grave en ce moment pour l’Espagne est la querelle diplomatique avec le Mexique, et la question paraît avoir été déférée à la médiation de la France et de l’Angleterre.

Ce n’est point évidemment dans cet ordre de faits qu’on peut chercher la cause des dernières péripéties ministérielles qui ont eu lieu à Madrid. En réalité, la crise a pris naissance il y a plus d’un mois : le cabinet croyait, dit-on, que la présence au palais de certaines personnes de l’entourage de la reine pouvait n’être point étrangère aux difficultés de la situation actuelle, et il demandait l’éloignement de ces personnes. C’est là peut-être ce qu’on pourrait appeler le premier acte de la crise, et comme la reine, bien qu’un peu froissée sans doute, ne refusait nullement de souscrire en principe à ce que lui demandaient ses ministres, tout s’arrêtait là pour le moment. Quelques jours plus tard, le conseil avait une proposition nouvelle à faire : il demandait que le capitaine-général de l’île de Cuba, le général Jose de la Concha, qui exerce son commandement depuis trois ans déjà, fût remplacé par le ministre actuel de la marine, le général Lersundi. M. Lersundi du reste était publiquement désigné pour ce poste depuis quelques mois, et il paraissait lui-même tellement convaincu de son départ prochain, qu’il avait fait, à ce qu’on assure, ses apprêts de voyage; mais la reine refusait cette fois de sanctionner la proposition qui lui était faite. De là est venue la crise : les ministres se croyaient obligés de donner immédiatement leur démission, voyant dans le refus d’Isabelle II tout au moins la preuve d’une diminution de confiance. Seulement la reine n’a point voulu accepter cette démission, et le cabinet a fini par consentir à rester au pouvoir en se désistant de sa proposition primitive au sujet de la capitainerie-générale de Cuba. Cependant par ce fait même il y avait un homme dont la situation devenait particulièrement difficile, c’était le général Lersundi, plus personnellement engagé que tout autre, puisqu’il avait été l’occasion de la crise. Le général Lersundi a persisté à vouloir se retirer; mais il a dû également