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dont la plus belle pièce est une statuette d’Hercule ivre ; mais nous sommes venus surtout pour voir les galeries de tableaux.

Il est difficile de trouver un maître au Corrège, si le maître est celui qui instruit par son exemple. On dit bien que Mantegna, qui fut son premier guide, avait avant lui cherché l’effet par les raccourcis, et commencé à bannir la ligne droite de la peinture; mais Mantegna tendait à revenir à l’antiquité, et l’antiquité, pas beaucoup plus que le moyen âge, n’inspira le Modénais Antonio Allegri. Il n’avait vu ni Rome ni Florence, quand son talent avait déjà pris tout son développement, et s’il trouvait, comme on peut le croire, dans l’art gothique un dessin raide et gauche, une couleur sèche et plate, une expression maussade, il devait accuser d’une froide sévérité les imitateurs classiques de l’art des anciens. Le sentiment, la grâce, le mouvement, le charme à tout prix, en un mot l’effet, voilà ce qu’il chercha dans une voie nouvelle où il n’avait pas été précédé, mais où il fut suivi. Il fonda une école dont le Parmesan est le premier élève, et à laquelle vinrent se rattacher des maîtres de Bologne. Les Carraches, à la vue des coupoles de Parme, exprimèrent un enthousiasme dont nous avons encore les témoignages. Avec quelques journées passées à l’académie de Parme, on pourrait recomposer toute cette partie de l’histoire de la peinture. On en aurait sous les yeux les principaux élémens. On y trouverait bien aussi un Christ dans la gloire, donné comme un Raphaël, tableau d’un bleu vineux dont il serait intéressant de discuter l’authenticité; une Vierge de Van-Dyck, personnage de demi-grandeur, dont l’expression est admirable, encore qu’un peu coquette; une autre Vierge de Cima, qui figurerait gracieusement et utilement dans notre cours comparé d’histoire des madones; une Descente de Croix de Francia, composition pathétique où les yeux rougis des saintes femmes excitent l’attendrissement. Oublions tout cela, et ne songeons qu’au Corrège.

Il faut commencer par le Portement de Croix, son œuvre la première en date, peinture encore mantegnesque. Rien de commun, malgré un air d’archaïsme; point de clair-obscur, point de plans : partout un certain ton jaune et plat. Enfin de la sécheresse, mais avec peu de beauté, beaucoup d’expression.

Je ne sais de quelle date est un Martyre de saint Placide et de sainte Flavie, mais c’est sûrement aussi une œuvre de jeunesse. Quoique ce tableau soit meilleur, il n’est pas encore bon. Corrège est sans doute un peintre expressif, mais les scènes sinistres de la souffrance physique ne vont pas à sa tendre imagination. Il faut bien choisir ses sujets et travailler dans son vrai génie, témoin cette Annonciation de l’Albane qui n’est pas loin de là : l’artiste est sorti de sa sphère, et il a échoué. La douleur morale est plus que l’autre du