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plage bordée de coteaux boisés qui vont s’élevant en gradins jusqu’aux premières chaînes de l’Apennin. Des ruines de châteaux forts, des maisons de campagne, de hauts clochers de village épars sur ces pentes fertiles, interrompent la monotonie d’une luxuriante végétation, tandis que des embarcations de toutes sortes se jouent sur la plaine argentée des eaux paisibles. Je n’ai jamais compris, en voyant Biarritz, que les personnes délicates allassent chercher dans la brume les bains de la Manche, et sur notre littoral du nord perdre par le ciel ce qu’elles gagnent par la mer. En voyant la Spezzia, il faut oublier Biarritz même, et les comfortables établissemens qui se forment sur cette côte enchantée semblent destinés à fixer la préférence de tous les baigneurs qui ne tiennent pas absolument à la lame de l’Océan.

On ne sort de la Spezzia que pour monter à travers les bois, et qu’on regarde derrière ou devant soi, on voit ou la mer encadrée entre des coteaux de verdure, ou d’étroites vallées, abruptes par leurs formes, riantes par leur végétation. Cependant on s’élève de plus en plus, et bientôt, laissant derrière soi deux ou trois villages inconnus, on arrive, à travers les bois, dans une région vaste et désolée. Du relai de Matarana, à plus de 500 mètres au-dessus du niveau de la mer, on ne voit plus d’arbres, mais un plateau montueux, hérissé de pics escarpés. Le site est âpre, mais imposant. En le quittant, on commence à descendre vers Bracco, et on voit le sol perdre peu à peu sa nudité sévère pour se parer du riche vêtement que la nature jette aux contrées qu’elle veut embellir. On aperçoit au loin Sestri-di-Levante, semblable aux villes des paysages du Poussin, et les pentes qui y conduisent circulent bientôt au milieu de tous les accidens de terrains, de toutes les variétés de végétation, de toutes les constructions champêtres qui peuvent diversifier un paysage. La contrée, sans cesser d’être aussi verte qu’un pays du nord, devient en quelque sorte africaine. Les oliviers forment, il est vrai, des masses de verdure qu’on voudrait épousseter, mais les orangers, les pins, les châtaigniers, les platanes, enfin les palmiers, oui, les palmiers, mêlent, confondent leurs profils et leurs nuances, et, placés sur des plans divers, complètent la variété du site le plus accidenté et le plus riant à la fois, car partout les rampes et les terrasses rendent accessibles tous les points de vue, et sans cesse des fabriques monumentales, surtout quand le soleil les dore de ses rayons obliques, donnent au pays cet air de magnificence que Claude Lorrain prête souvent à ses paysages des bords de la mer.

Une route bordée d’aloès court sur la plage, et, traversant de frais ombrages qu’envierait l’Angleterre, vous conduit au milieu des maisons peintes de Chiavari. Cette enluminure des bâtimens est d’un