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mariage, lui, sa femme et un satyre en tiers : tels sont en abrégé quelques-uns des objets d’art qui peuvent attirer l’attention.

Le palais ducal, occupé maintenant par les cours de justice, dépouillé il y a plus de cinquante ans par les révolutions, n’offre plus guère que de grands escaliers et de vastes salles qui ont perdu leurs ornemens. A peine quelques tableaux, qui n’échappent point à notre critique de la peinture d’histoire, rappellent-ils les navigations de Christophe Colomb, le premier doge mariant le roi de Chypre à Catarina Cornaro, et ces guerres contre les Pisans, dont je conçois une plus grande idée en voyant suspendues en divers lieux de la ville les chaînes du port de Pise. La banque de Saint-George et d’autres édifices qui rappellent l’ancienne grandeur commerciale de Gênes portent peut-être plus de traces historiques; mais c’est aux auteurs d’itinéraires d’en faire la description. Je n’ai moi-même sans doute que trop chevauché sur leur terrain, et je ne ferai point après eux le tableau de la route de Gênes à Nice. Oneille et Savone sont des villes qui ressemblent à Chiavari, et Sestri-di-Ponente diffère peu de Sestri-di-Levante. Ce quai de la Méditerranée qu’on appelle la Corniche conserve uniformément sa beauté, quoique dans la Rivière de Gênes le levant me semble encore plus beau que le ponant. Nice termine avec éclat cette ligne éclatante, et cette petite ville, si célèbre par son climat, entourée de sites admirables, a pris un air de prospérité et de luxe qui permettait de la reconnaître à peine à qui ne l’avait pas vue comme moi depuis trente ans.

Venise et Gênes sont aux deux extrémités de la ligne du nord de l’Italie. Gênes et Venise la terminent magnifiquement sur deux mers, et à leur beauté matérielle joignent leur éclat historique. L’une et l’autre ont régné, négocié, combattu, possédé dans sa toute-puissance une nationalité historique. L’une et l’autre, en leur qualité d’anciens pays libres, auraient plus qu’aucun des autres états de l’Italie le droit de regretter, d’ambitionner, de revendiquer une existence indépendante, et l’esprit de localité pourrait sans mauvaise grâce relever le drapeau qui porte la croix rouge ou le lion ailé tenant l’Évangile. Quelle comparaison faire de ces duchés, de ces seigneuries incessamment transférées d’un maître à un autre, avec les deux illustres républiques maritimes qui ont au loin fait respecter ou craindre leur pavillon de guerre? Quelle différence l’histoire ne met-elle pas entre ces petits états continentaux sans cesse menacés ou disputés par les plus forts et deux cités régnantes dont l’alliance était briguée, l’hostilité redoutée par des potentats européens! Et cependant, elles permettront ce langage austère, aucun esprit sage n’oserait leur promettre, n’oserait leur souhaiter le retour d’une existence isolée et d’une nationalité distincte. Leur longue et glorieuse exis-