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la fureur, s’opposaient de plus en plus à toute sage combinaison politique, et même, après l’heureuse réaction de thermidor, la convention, plus sage, montra dans la constitution de l’an III des intentions dignes de louanges plutôt que des exemples dignes d’imitation. Enfin ce n’est pas au législateur victorieux qui mit le directoire au néant qu’il faut demander l’art d’organiser la liberté politique. Le 18 brumaire ne fut pas fait pour instituer la discussion dans le gouvernement et mettre le pouvoir au concours ; mais l’intérêt de l’ordre et le besoin de la force dans le pouvoir auraient certainement alors moins entraîné la France vers les idées de dictature, si les auteurs des institutions antérieures eussent mieux combiné les dispositions qui peuvent assurer, au milieu des débats de la liberté, l’unité et l’action dans le gouvernement. L’anarchie et son contraire ont pu résulter également des erreurs de théorie constitutionnelle qui se rencontrent dans les œuvres des législateurs de la révolution.

Lorsque la fortune et la victoire, en abandonnant l’empereur, eurent emporté sa couronne avec elles, un ordre nouveau s’établit, et celui-là, quoi qu’on pense de ses lacunes ou de ses défauts, quoi qu’on pense de la conduite de ses fondateurs, il réalisait dans ses traits principaux le programme constitutionnel, jusque-là méconnu. Les circonstances au sein desquelles il prit naissance, la manière dont il fut établi, accueilli, pratiqué, le récit des vicissitudes qu’il eut à subir, forment un sujet qu’aucun des historiens de la restauration n’a encore traité avec une connaissance assez exacte des faits et des personnes. Aucun surtout ne l’a considéré sans autre passion que celle des institutions mêmes, sans nul dessein prémédité de donner tort ou raison à tel ou tel individu, de venger un parti d’un autre parti. M. Duvergier de Hauranne, dans l’examen du passé, ramène tout à un point fondamental, l’établissement du gouvernement représentatif tel qu’il le conçoit, la monarchie constitutionnelle en un mot. C’est la chose qui le touche ; peu lui importe comment et de qui elle sera venue. Sans doute les revers de la France lui sont cruels ; mais il ne trouvera pas mauvais pour cela que l’empereur Alexandre use de sa victoire pour procurer à la France le bienfait de la charte. Il n’aime point les doctrines de l’émigration, et le retour de l’ancien régime lui serait odieux ; mais il accepte la légitimité, si elle est libérale, et il n’en veut pas aux Bourbons de leur retour, si la liberté marche devant eux. Il doute fort que l’homme extraordinaire qui a pu un moment se dire le maître du monde puisse être touché sur ses vieux jours de la gloire de Washington ; mais si la paix, et la liberté sont compatibles avec la victoire du 20 mars, il les verrait sans regret fleurir sous le drapeau du victorieux. La révolution elle-même ne lui convient que