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tance. Un projet de loi complet avait été discuté sous le directoire; il avait donné lieu, dans le conseil des cinq cents, à un rapport dont l’auteur, Prieur (de la Côte-d’Or), était entré dans beaucoup de détails, et dans le conseil des anciens à un rapport, remarquable aussi, qui était de M. Cretet, le même qui, sous l’empire, fut gouverneur de la Banque et ministre de l’intérieur. En outre, l’administration des monnaies, qui était composée d’hommes éclairés, parmi lesquels on remarque le célèbre chimiste Guyton de Morveau, avait donné et redonné son avis; l’Institut lui-même, consulté par le conseil des cinq cents, en avait délibéré en corps, et avait formulé une opinion. Enfin le discours de Mirabeau que j’ai déjà mentionné est une pièce qu’on ne peut passer sous silence.

Si l’on interroge ces différens documens, on les trouvera unanimes sur la plupart des questions, et en particulier sur celle-ci : qu’on ne doit avoir en fait de monnaie qu’un seul étalon, ou, pour dire la même chose autrement, que l’unité monétaire doit être d’un seul métal spécialement dénommé. C’est conforme aux plus simples règles du bon sens, car comment une certaine quantité de marchandise pourrait-elle avoir pour équivalent indistinctement une certaine quantité d’or et une certaine quantité d’argent qui fussent constamment entre elles dans le même rapport, alors qu’il n’y a pas et ne peut y avoir de rapport fixe entre ces deux métaux? La valeur de l’or et celle de l’argent dépendent en effet, dans une mesure fort étendue, de circonstances propres à chacun d’eux, de même que la valeur du fer et celle du cuivre, celle du pain et celle de la viande. Sans doute ce serait exagérer que de dire qu’ils sont absolument indépendans : toutes les fois que deux substances ont des usages communs, la valeur de l’une exerce une certaine influence sur celle de l’autre; mais entre l’or et l’argent la relation n’est pas plus intime qu’entre le blé et le vin ou qu’entre le pain et la viande. Or qui a jamais soutenu qu’entre ces deux dernières denrées, par exemple, la connexion fût tellement étroite que, le prix de l’une étant donné, celui de l’autre fût fixé par cela même? Il y a déjà longtemps que Locke a dit : « Deux métaux tels que l’or et l’argent ne peuvent servir au même moment, dans le même pays, de mesure dans les échanges, parce qu’il faut que cette mesure soit perpétuellement la même, et reste dans la même proportion de valeur. Prendre pour mesure de la valeur commerciale des choses des matières qui n’ont pas entre elles de rapport fixe et invariable, c’est comme si l’on choisissait pour mesure de la longueur un objet qui fût sujet à s’allonger ou à se rétrécir. Il faut qu’il n’y ait dans chaque pays qu’un seul métal qui soit la monnaie de compte, le gage des conventions et la mesure des valeurs. » Après Locke, cent autres avaient ré-