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La limite de l’immense surface qu’il recouvre va de l’extrémité de l’Oural vers Smolensk, s’étend vers Cracovie, Breslau, Leipzig, côtoie le Harz, le nord de la Westphalie, traverse les Pays-Bas et comprend une partie de la côte orientale de l’Angleterre. Les blocs qu’on y trouve forment deux classes distinctes : les uns, véritablement erratiques ou voyageurs, ont été transportés des montagnes de la Scandinavie à des distances qui atteignent plus de 100 lieues. D’autres présentent les mêmes caractères que les terrains sur lesquels ils reposent, ce qui prouve qu’ils n’ont été entraînés qu’à une très faible distance ; ce ne sont point des colons lointains, mais des habitans mêmes de la contrée.

En Europe, le terrain erratique ne dépasse point le 52° degré de latitude ; mais en Amérique on le rencontre encore au sud de Boston, qui est situé sous le 48e degré, et dans la vallée de l’Ohio, jusque vers le 38e degré. Les caractères de ce terrain y sont absolument les mêmes que dans le nord de l’ancien continent : on y vérifie la parenté entre les matériaux erratiques et les roches sous-jacentes, et l’on voit qu’ils n’ont généralement été entraînés qu’à une faible distance vers le sud. Ainsi, sur la côte méridionale du golfe Saint-Laurent, on trouve des blocs et des détritus qui viennent de la côte opposée du Labrador et de Terre-Neuve. L’île du Prince-Edouard, située dans le golfe, a, comme un écran, arrêté les blocs venus du Labrador ; elle a elle-même envoyé des blocs de grès rouge sur la côte opposée de la Nouvelle-Ecosse. Sur la rive méridionale du Lac-Supérieur, on trouve des blocs de cuivre et d’argent natif très pesans qui ne sont qu’à 2 ou 3 lieues des gisemens primitifs.

Il y a peu d’années, M. Agassiz a publié un ouvrage fort intéressant sur le Lac-Supérieur : la flore et la faune de cette région encore imparfaitement connue y sont l’objet d’une étude spéciale ; mais un des chapitres traite du terrain erratique. Dès que les glaciers eurent fixé l’attention des géologues, M. Agassiz avait cherché à établir un lien entre les phénomènes glaciaires observés dans les hautes montagnes et ceux dont les régions boréales du globe nous offrent la trace. Pour expliquer le transport des blocs erratiques sur le Jura, il avait admis qu’une période de froid avait précédé la période actuelle, bien que l’ensemble des notions géologiques indique que la température a toujours été en s’abaissant à la surface du globe pendant la série des âges. Une fois la période glaciaire acceptée, M. Agassiz admit hardiment qu’un manteau de glace avait recouvert, à la faveur de ce refroidissement général, toutes les régions boréales de la terre, et que cet immense glacier envoyait des blocs partout où nous les retrouvons aujourd’hui, polissant et striant les roches de la Scandinavie et de l’Amérique du Nord, couvrant de