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tion du Chili tempère par d’habiles combinaisons. Le sénat adoptait d’abord la proposition d’amnistie, et la chambre des députés la repoussait au contraire. Le sénat reprenait alors son œuvre et l’adoptait de nouveau. Cette fois, d’après les règles constitutionnelles, la chambre des députés ne pouvait rejeter la motion qu’aux deux tiers des voix ; malgré tous les efforts du gouvernement, cette majorité ne pouvait être atteinte. La loi d’amnistie a donc été adoptée par les deux chambres, et elle a été transmise au pouvoir exécutif. Le président, usant de son droit, a refusé de sanctionner la mesure, et la proposition ne peut être renouvelée que dans une session postérieure ; mais le ministère, qui a combattu la loi d’amnistie dans les deux chambres, et qui a même engagé son existence sur cette question, ne laisse pas d’avoir essuyé une humiliante défaite, et sa présence au pouvoir est devenue, sinon impossible, du moins très difficile. Que va faire le président ? C’est là aujourd’hui la question qui s’agite au Chili, et de l’issue de cette crise, on ne peut le nier, dépend jusqu’à un certain point la sécurité de ce petit pays, jusqu’ici accoutumé au calme. Le fait le plus grave, il est facile de le voir, c’est la division du parti conservateur. Uni et compacte, ce parti a maintenu le Chili depuis vingt ans dans des conditions relativement prospères ; divisé, il peut frayer la route au parti révolutionnaire, qui a été vaincu toutes les fois qu’il s’est montré. C’est la leçon des événemens en Amérique comme sur notre vieux continent. Ces pays du Nouveau-Monde sont quelquefois un rude théâtre pour les agens européens. Pendant quelques années, il y a eu, non au Chili, mais à San-Francisco, un homme représentant la France comme consul-général : c’est M. Dillon, qui avait été nommé récemment chargé d’affaires à Haïti. Il s’était trouvé en Californie dans des momens difficiles où il avait eu à déployer une singulière énergie. M. Dillon vient de mourir à Paris, jeune encore, sans avoir parcouru jusqu’au bout sa carrière, mais après avoir servi la France avec honneur dans ces contrées lointaines.

ch. de mazade.




REVUE MUSICALE.

L’automne, encore chaud et resplendissant, étale les magnifiques produits d’une année féconde et bénie ; les théâtres lyriques s’agitent et commencent à préparer des récréations pour les élus de la fortune. Cependant le public à qui ces fêtes de l’art sont destinées n’est pas de retour à la grande ville. Il chasse, il fait ses vendanges, il perçoit ses fermages, il prend des forces et entasse des écus pour venir les dépenser à Paris. Après trois ou quatre mois d’ivresse, de plaisirs divers, de rêvasseries politiques d’autant plus amusantes qu’on n’en espère pas la réalisation, on retourne aux champs, où l’on rapporte les bruits, les fatigues, les petits péchés et les symphonies de la civilisation. Là, on se répare, on fait un peu de pénitence, on a l’air de croire à tout ce que dit M. le curé, on se met de la pieuse confrérie de Saint-Vincent-de-Paul, parce que cela est de bon ton et qu’on en peut tirer un bon parti. À l’occasion, on dit du mal de Voltaire et de Rousseau, et on est enchanté au fond de l’âme de vivre dans un temps d’équité dont ils ont