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à ceux des Alpes. La neige et la glace ont nivelé, en les dépassant, montagnes et vallées, et les astronomes qui de Mars ou de Vénus dessinent ou photographient notre planète doivent être fort étonnés de cette proéminence des neiges polaires, qui persiste même quand les neiges de la Russie, de la Sibérie et du Canada ont disparu aux rayons du soleil d’été.

La banquise qui enveloppe aujourd’hui l’île de Jean-Mayen, à moitié chemin entre l’Islande et le Spitzberg, rend inabordable la côte est du Groënland. Parfois cette] banquise se soude aux anfractuosités du nord de l’Islande, et fermeté passage entre ces deux terres, ce qui n’arrivait pas (autrefois. Les pêcheurs de baleiné ont cessé d’aller au Spitzberg, dépeuplé dans ses mers comme sur ses plaines, où la neige ne fond plus. On cherche la cause d’un effet si désastreux, qui menace, dans un avenir plus ou moins lointain, de chasser de l’Islande la population famélique d’environ soixante mille habitans qu’elle nourrit aujourd’hui, ou plutôt qu’elle ne nourrit pas, car c’est au moyen de la pêche que la plupart des Islandais se procurent la subsistance insuffisante qui les fait vivre à peine, même avec les secours de la métropole danoise. Si la banquise enveloppait l’Islande comme elle a fait l’île de Jean-Mayen et le Groënland oriental, que deviendraient les insulaires ?

Les hypothèses n’ont pas manqué pour expliquer cette détérioration du climat du Groënland, qui n’offre plus maintenant qu’une terre engloutie sous une masse de glace et de neige compacte de cinq à six cents mètres de hauteur. On observe en général que toutes les côtes se soulèvent dans la Baltique, le long de la côte Scandinave, en Islande et au Groënland. Pour ce dernier pays, l’expédition a vu dans une des baies où elle a abordé d’anciens cailloux roulés à une hauteur où n’atteint pas la mer actuelle. Ces anciens rivages sur la côte norvégienne sont en quelques localités à près de cent mètres de hauteur. On a donc pensé que le soulèvement du fond de la mer avait pu arrêter les glaces qui descendaient du nord entre l’Islande et le Groënland, et produire l’encombrement actuel de la côte orientale. Je ne crois pas que cette raison soit acceptable. La banquise qui côtoie le Groënland ne ressemble guère à ces amas de glace que les courans et les vents accumulent quelquefois dans les golfes des mers polaires. Je pense que la vraie cause de la détérioration du climat des mers polaires de l’Atlantique est plutôt une diminution dans cette partie du gulfstream qui se dirigeait autrefois vers le nord, et qui allait réchauffer le Spitzberg à la latitude de 80 degrés. Le soulèvement du fond de la mer et la moindre profondeur qui en est résultée pour le lit du courant d’eau chaude ont dû diminuer ce courant. L’eau tiède qui remontait au Spitzberg et qui donnait la vie