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que leur disputent quelques maigres graminées ; au nord encore coulent des ruisseaux qui forment, en recueillant les affluens latéraux, les rivières dont le nom devint historique sous l’empire français, qui fit d’Anvers la capitale des Deux-Nèthes. À l’est et à l’ouest, le sol sablonneux de la Campine reparaît dans toute son aridité, et, par un long pli saillant au-dessus du niveau général, forme la crête de séparation des deux rivières.

Après cet hommage rendu à la mémoire d’une femme dont la science médicale n’a pas à désavouer l’heureuse influence, après la première curiosité satisfaite sur l’histoire et l’aspect du pays, nous pouvons rentrer à Gheel pour l’étude approfondie d’une institution qui se recommande tout au moins par son originalité.


II. – CONDITION DES ALIENES.

Si l’on arrivait à Gheel, même au sortir d’un établissement d’aliénés, sans être prévenu du phénomène spécial qui caractérise cette localité, il y aurait grande chance pour que rien ne trahît le secret. Tout s’y passe en apparence comme dans les autres campagnes écartées et pauvres. Les rues calmes, ou un peu animées, suivant le jour et l’heure ; aux fenêtres quelques figures curieuses, des travailleurs dans les jardins, de rares oisifs sur la place publique ou dans les cabarets ; un aspect tranquille, sans apparence de vie active ou de commerce ; la monotonie et le silence du village, — voilà bien la surface.

Mais si le voyageur est en quête d’une colonie excentrique signalée d’avance à sa curiosité, ou si, à titre de médecin aliéniste, il est familier avec les symptômes de la folie, çà et là il remarquera quelques allures tant soit peu excentriques : un passant qui prodigue les saluts ou les sourires, un promeneur absorbé dans des méditations solitaires, ayant l’œil fixé sur la terre ou égaré vers les cieux, un indiscret qui vous aborde brusquement. Qu’à ces premières observations viennent se joindre le costume pareil de quelques individus, les entraves ou les chaînes que traînent quelques autres, et vous êtes édifié. On ne vous a pas trompé : vous voilà bien dans le pays des fous. Vous questionnez, et voici ce que vous apprenez.

Sur le nombre total de 5,500 aliénés que l’on compte en Belgique, la commune de Gheel en reçoit de 800 à 1,000. Avant 1789, le chiffre était moindre de moitié. En 1803, il fut porté à 600 par l’envoi des aliénés de l’hospice de Bruxelles, ordonne par M. de Pontécoulant, ainsi qu’on l’a vu. En 1812, on en comptait 500, en 1820 et 1821 seulement 400 ; en 1841, le nombre se relevait à 730. Voici le mouvement des dernières années : en 1849, 980 ; — 1850, 912 ;