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On ne construit point d’édifices utiles, mais on agrandit le Circus Maximus, toujours plus digne de son nom, et qui finit par contenir près de quatre cent mille spectateurs. Et cependant la population a diminué, mais l’ardeur de cette population oisive et misérable pour le cirque semble aller s’accroissant ; populique voluptas circus, dit Claudien. Ammien Marcellin, dit aussi : « Le cirque est pour eux un temple, une demeure, un lieu de réunion, une chambre à coucher ; « et ailleurs : « Le plus grand de leurs plaisirs est, depuis le point du jour jusqu’au soir, exposés au soleil et à la pluie, d’examiner minutieusement les qualités et les défauts des chevaux et des cochers. » Le cirque n’était point dédaigné par les empereurs ou les princes chrétiens. Claudien parle des applaudissemens qui faisaient retentir la vallée Murcia, située entre le Palatin et l’Aventin, et que le Grand-Cirque remplissait tout entière, quand on y voyait paraître Honorius ou son beau-père Stilicon.

La passion de l’amphithéâtre non plus n’avait pas changé. Les préfets de Rome, qui avaient à ménager une multitude turbulente, prenaient soin d’entretenir et de réparer le Colisée. Une inscription qu’on y voit encore atteste qu’un certain Lampadius a mis à neuf l’arène de l’amphithéâtre, le podium et les gradins. Dans une autre, il est dit qu’un préfet de la ville, consul ordinaire, a restauré à ses frais l’arène et le podium, qu’un affreux tremblement de terre avait renversé. Au lieu d’abominandi, on lit abontinandi. Un barbarisme dans une inscription officielle, c’est un signe de la barbarie des temps. Il paraît que ce consul n’était pas difficile sur le latin.

On. voit par un passage de Claudien que les combats des hommes contre les bêtes féroces étaient en vogue sous le pieux empereur Honorius. L’amphithéâtre était abondamment pourvu d’animaux qu’on apportait dans de grandes cages de bois, les uns sur le Tibre dans des barques, les autres par terre dans des chariots. Au Vev° siècle, l’amphithéâtre militaire servait aussi à des jeux de cette sorte ; il fallait amuser les soldats comme le peuple.

Les combats des hommes entre eux durèrent moins longtemps que ceux où figuraient des animaux : ils étaient encore plus contraires à l’esprit du christianisme. Constantin avait publié une loi contre les gladiateurs, et Théodose avait interdit les spectacles sanguinaires. Cependant le poète chrétien Prudence, sous Honorius, pouvait encore demander que les supplices cessassent d’être un plaisir public, que l’arène se contentât des bêtes féroces et ne vît plus du moins les homicides faire un jeu des armes sanglantes. La gloire d’avoir mis fin aux combats de gladiateurs appartient à l’héroïque saint Télémaque, qui s’élança dans l’arène, eut le courage d’élever la voix contre eux, et fut massacré. C’est un des plus nobles souvenirs