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l’empire chinois, la Cochinchine, le royaume d’Ava, et les Anglais, qui, en Asie, sont plus ou moins voisins de tout le monde. On n’est point d’accord sur le chiffre de sa population : Mgr Pallegoix l’évalue à 6 millions d’âmes, sir John Bowring le réduit à 4 ou 5 millions. Quoi qu’il en soit, Siam ne saurait être mis en parallèle avec la Chine ni avec le Japon quant à la densité de la population. Le pays, couvert de montagnes abruptes et d’épaisses forêts, comprend de vastes espaces complètement inhabités ; on y trouve le désert et la nature vierge à côté des plus belles plaines que le soleil tropical et l’inondation régulière de larges fleuves, tels que le Meinam, puissent féconder.

La population n’est point homogène ; elle se compose de races nombreuses, les unes originaires du pays, les autres fournies par l’immigration étrangère. D’après le calcul de Mgr Pallegoix, les Siamois y figurent pour 2 millions à peine ; puis viennent les Chinois pour 1,500,000, les Malais pour 1 million, les habitans du Laos pour un nombre égal, les Cambogiens pour 500,000. Ici encore on retrouve la colonie chinoise, active, florissante, exploitant le sol et les principales industries, accumulant les capitaux, maîtresse du pays par le travail et par l’usure : singulière fortune de ce peuple qui, sans bruit, sans embarras, sans femmes (les hommes seuls s’expatrient), a fondé dans toutes les contrées de la Malaisie des établissemens prospères. Le roi de Siam est tributaire de l’empire de Chine : il envoie tous les trois ans à Pékin des ambassadeurs chargés de présens ; mais ce n’est là qu’un lien traditionnel, et depuis longtemps le souverain du Céleste-Empire n’a rien à démêler avec les affaires politiques du royaume de Siam. Ce qui est plus sérieux, c’est la domination que les immigrans chinois exercent dans le pays même par la supériorité de leur génie commercial. On peut dire que la population indigène paie à la colonie chinoise un énorme tribut.

La forme du gouvernement est despotique. Le souverain est maître absolu de la vie et des biens de ses sujets ; c’est à son profit que se perçoivent les impôts, c’est lui qui ordonne toutes les dépenses. Les courtisans admis à ses audiences demeurent prosternés ; à son approche, le peuple se jette à terre : malheur à l’imprudent qui oserait lever les yeux sur lui ! Il faut se découvrir quand on passe devant le palais ; les nobles doivent fermer ou baisser le parasol, insigne de leur dignité, devant les murs de la demeure royale. Enfin, pour dernier trait, quand le souverain se promène sur le fleuve, on a soin de placer dans son embarcation plusieurs cocos vides, liés ensemble, pour lui servir de bouée de sauvetage dans le cas où il tomberait à l’eau, car l’étiquette ne permettrait pas que l’on touchât, même