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Supprimer les taxes qui frappaient les produits de l’agriculture, abolir tous les monopoles, réviser les tarifs de douane et de navigation, fixer la condition des étrangers, instituer des consulats investis d’attributions judiciaires analogues à celles qui sont attachées aux consulats du Levant et de la Chine, voilà les mesures que le représentant de la Grande-Bretagne proposait de consacrer par un engagement solennel. Or, en supposant même qu’au point de vue politique le gouvernement siamois fût sincèrement décidé à nouer des relations régulières avec les puissances européennes, il était permis de douter qu’il acceptât une révolution aussi complète dans son système d’impôts, au risque de compromettre une portion considérable de ses revenus. Sir John Bowring, qui a été en Angleterre l’un des premiers et des plus ardens docteurs en free-trade, ne devait pas être embarrassé pour exposer aux Siamois les avantages que leur procurerait, particulièrement sous le rapport fiscal, la libre circulation de leurs produits ; mais ses argumens seraient-ils bien compris ? Quel résultat pouvait-il se promettre d’un cours d’économie politique professé sur les rives du Meïnam ? Bien qu’il ne nous ait pas fait connaître dans sa relation trop sommaire les détails des discussions engagées sur les principaux articles du traité, il en dit assez pour que nous saisissions la physionomie des conférences, qui durèrent près de huit jours. À certains momens, il désespéra du succès ; en écoutant les objections subitement opposées à des désirs qui paraissaient avoir été accueillis la veille, en voyant les délais apportés à la solution des points les moins contestables, il se demandait s’il n’était pas lui-même le jouet et la dupe de la diplomatie siamoise, si ce phra-klang, qui se donnait pour un partisan des étrangers, si ce phra-kalahom, qui s’emportait si violemment contre les scandales des monopoles et prêchait déjà le free-trade avec la ferveur d’un nouveau converti, si tous ces faux amis, y compris le roi, ne s’entendaient pas pour l’éconduire et le renvoyer à sa colonie de Hong-kong avec force complimens et sans traité ! Une fois même, à l’occasion d’une conférence ajournée, il crut devoir manifester ouvertement sa défiance et recourir presque à la menace. Il se trompait : les plénipotentiaires étaient de bonne foi, la majorité insistait pour que le traité fût conclu au plus vite ; mais à chaque réunion, et surtout dans les intervalles des séances, elle avait à lutter contre l’énergique opposition des somdetches. À la fin, elle l’emporta, et le 15 avril la rédaction des articles était arrêtée dans un sens conforme aux demandes de l’ambassadeur anglais.

Ces longues discussions auraient suffi pour occuper tous les instans de sir John Bowring ; mais il fallait en outre subir les visites officielles, les réceptions, les fêtes, les dîners de cérémonie, etc., et la cour de Siam, qui compte deux rois, plusieurs princes, une foule