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qu’il m’avait fait subir. Ainsi à l’âge de sept ans j’étais un petit prêtre, chacun baisait ma main, et j’étais respecté de tout le monde. »

Cette école musulmane fait naturellement songer aux tableaux de Decamps ; on comprend qu’il n’y a rien d’exagéré dans les grotesques pédagogues et les malins petits singes que le peintre a reproduits. Quel mélange burlesque de malice et de bêtise, de férocité innée et de superstition ! À cette combinaison l’Orient musulman doit ces types curieux de bonhomie crédule, de lâcheté sournoise, tout ce monde de cheiks radoteurs, de tyrans capricieux, de facétieux cadis, qui abondent partout où a passé la loi du Koran. C’est à l’Orient musulman seulement que semble appartenir ce monde bizarre où la férocité tourne au grotesque, contrairement à l’Orient païen, où la férocité tourne au monstrueux. Cette différence très marquée est intéressante et porte à rêver. D’où peut-elle venir ? La loi, relativement pure du Koran semble avoir agi sur l’esprit de ses sectateurs comme un opium. C’est là l’infériorité de la religion musulmane. Chose remarquable, le mahométisme n’a pas réussi à changer et à transformer les instincts des hommes de race orientale ; il les a seulement endormis, comme un de ces narcotiques puissans qui sont si chers aux Orientaux de tout pays. Il n’a pas voulu à son origine se mettre en contradiction avec ces instincts, il les a ménagés au contraire et a cherché à se mettre en harmonie avec eux. De là, je crois, la rapidité avec laquelle il s’est répandu chez tous les peuples orientaux ; de là aussi sa rapide décadence et celle des races qui l’ont adopté. Le paganisme sous toutes ses formes et dans tout pays a réussi parce qu’il était et qu’il est conforme à la nature matérielle et sensuelle de l’homme ; le christianisme a réussi, parce qu’il n’a pas voulu accepter cette nature primitive, entachée des vices de la matière, et qu’il s’est audacieusement mis en opposition avec elle. Le mahométisme a voulu réussir par une transaction ; il a voulu verser l’influence religieuse à dose convenable et guérir l’âme de ses croyans sans la bouleverser. Il n’a agi qu’à la surface : il a endormi, non éteint, hébété, non détruit les instincts orientaux. Frappés de torpeur, engourdis, ces instincts ont été plus impuissans pour le mal, mais plus impuissans aussi pour le bien, et la virilité naturelle de l’homme en a été diminuée. Or cette nature asiatique primitive, qui a bien pu être hébétée, mais qui n’a pas été transformée, se réveille par momens, et, dans le rapide intervalle de deux rêves, se livre aux fureurs et aux colères qui lui étaient chères. De là d’une part ces excentricités subites, ces caprices inexplicables, ces rapides accès de terreur, ces actes enfin comme d’un homme qui, réveillé en sursaut, continue pendant quelques minutes le rêve commencé, — et de l’autre, cette somnolence bestiale, cet engourdissement