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soumis à la diète. La Prusse paraissait d’abord disposée à élever quelques difficultés ; mais elle s’est ravisée en songeant qu’elle avait elle-même quelques considérations à garder, ayant fait construire le pont de Cologne sans tenir suffisamment compte de toutes les nécessités de la navigation du Rhin. Il resterait donc seulement l’opposition possible de l’Autriche. Ce n’est pas que l’Autriche ne voie dans le pont de Kehl un avantage réel pour le commerce de l’Allemagne : ses objections sont d’un ordre militaire. Il est évident que c’est par ce côté qu’un pont sur le Rhin a pu éveiller les chatouilleuses susceptibilités germaniques. Quelle valeur cependant peuvent avoir de telles objections, lorsque le territoire de l’Allemagne est gardé sur ce point par des forteresses formidables, lorsque les progrès de la science militaire ont rendu praticable partout et à tout instant le passage des fleuves ? Quand nos armées ont passé le Rhin, le pont de Kehl n’existait pas ; elles ne le passeront pas plus souvent, parce que le pont existera. De vieilles passions, toujours prêtes à se frayer une issue, ont pu saisir cette occasion nouvelle, car ces passions existent en Allemagne, et elles parlent parfois bruyamment. Il ne faut pas croire pourtant qu’elles soient générales. On a pu le voir récemment à Leipzig, à l’inauguration d’un monument élevé en mémoire de la journée fameuse qu’on a appelée la bataille des nations. Ce monument est placé à l’endroit d’où Napoléon dirigeait l’action. Les inscriptions n’ont rien d’hostile, elles sont purement religieuses et ne rappellent que la vanité de la guerre. L’inauguration n’a été accompagnée d’aucune manifestation antifrançaise. Cette pierre n’est point le témoignage d’une animosité survivante contre notre pays ; c’est un simple souvenir d’histoire, comme devraient être les haines elles-mêmes entre l’Allemagne et la France.

Si l’on observe maintenant quelques-uns de ces pays dont l’existence est au premier rang, l’Angleterre suit toujours d’un œil attentif et ardent ses affaires de l’Inde, qui semblent être décidément entrées dans une voie favorable depuis la victoire de Delhi et le ravitaillement héroïque de Lucknow. Les affaires de l’Inde vont devenir un des principaux objets de discussion dans la prochaine session du parlement britannique. Là se posera inévitablement la question, agitée déjà dans la presse, de la dépossession de la compagnie des Indes et du gouvernement direct de la reine. L’insurrection indienne et la crise financière, ce sont là les deux grandes affaires qui vont retentir dans les chambres. Quant à la France, le corps législatif vient de se réunir, ainsi qu’on l’avait annoncé. Cette réunion n’a pour le moment d’autre objet que la vérification des pouvoirs des députés élus il y a quelques mois, et cette vérification opérée, le corps législatif sera ajourné ; la véritable session commencera au mois de janvier. Ce serait tout aujourd’hui, s’il n’y avait quelques changemens dans les hautes fonctions publiques. M. Chaix-d’Est-Ange vient d’être mis à la tête du parquet de la cour impériale de Paris ; mais ce n’est point là l’événement principal. Tandis que M. de Royer remplace M. Abbatucci au ministère de la justice, il a pour successeur à la cour de cassation, qui ? M. Dupin lui-même, qui vient en même temps d’être nommé sénateur. Ainsi les hommes s’en vont et reviennent, et M. Dupin, après avoir commencé sa carrière politique dans la chambre des re-