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les œuvres de Cellini. Le bouton destiné à fermer la chape de Clément VII n’avait probablement pas un autre mérite. Ce travail toutefois n’autorise que des conjectures, et il est temps d’invoquer des témoignages plus décisifs, de consulter, en regard des allégations de l’artiste, les travaux de sa main qui ont survécu.

Benvenuto Cellini cite avec orgueil les médailles qu’il fit à diverses époques, médailles universellement admirées, dit-il, et préférées par les bons juges aux chefs-d’œuvre de l’antiquité. Nous doutons qu’aujourd’hui les mêmes préventions puissent subsister, et qu’en examinant côte à côte, avec les œuvres de l’artiste en ce genre, non pas les monumens antiques, mais seulement les pièces qu’ont laissées les anciens orfèvres italiens, on attribue à celles-ci un mérite moindre qu’aux pièces sorties de l’atelier de Cellini. Le contraire arrivera plutôt, et ce sera justice. Ainsi, que l’on rapproche de cette médaille de Clément VII, dont l’auteur se montre si fier, les médailles exécutées vers le milieu du siècle précédent par Pisanello et Matteo de’ Pasti, on sentira ce que le portrait du pape a de grêle dans le dessin, d’indéterminé dans la physionomie, tandis que les portraits voisins apparaîtront avec l’accent de la vie, l’ampleur du style, le caractère de chaque modèle clairement défini. Même résultat et peut-être plus significatif encore, si l’on substitue à l’effigie de Clément VII l’effigie de Paul III, ou cette médaille d’Alexandre de Médicis dont Lorenzino s’était chargé de fournir l’inscription alors qu’il méditait pour le tyran de Florence on sait quel autre mode d’apothéose. Comparé à l’art des maîtres antérieurs et même de quelques maîtres contemporains, — Grechetto et Bernardi entre autres, — l’art de Cellini n’exprime plus que l’industrie matérielle, l’habile emploi du moyen ; encore ce genre de mérite n’est-il pas si personnel à l’orfèvre florentin qu’on ne puisse le retrouver à peu près au même degré dans les œuvres des disciples, dans la médaille par exemple où Paolo Gozzi a reproduit les traits de Philippe II. Il ne s’agit donc pas ici d’une manière particulière d’apercevoir et de rendre la nature ; il s’agit seulement d’une pratique adroite, soigneuse souvent jusqu’à la minutie, et de procédés assez indépendans du sentiment. Or de tels secrets sont de ceux qui se divulguent, et l’on conçoit que Cellini ait pu les révéler tout entiers dans son Traité de l’Orfèvrerie, comme on comprend qu’il se soit rencontré des gens pour s’en emparer et les exploiter à leur tour. Soyons juste toutefois : à certains momens, Cellini a su montrer un talent d’un ordre plus élevé, le jour surtout où il fit la médaille de François Ier, œuvre d’un caractère héroïque sans emphase, d’une expression nette sans sécheresse, et dont l’exécution, çà et là un peu précieuse encore, accuse cependant plus que de coutume le goût et la recherche du grand style.