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déclara-t-il pas que les projets de Pierre Lescot méritaient à tous égards d’être préférés aux siens ? On l’ignore ou on l’oublie trop souvent, — et les écrits de Cellini ne tendent pas à réformer sur ce point nos erreurs, — les sculpteurs et les architectes français du milieu et de la fin du XVIe siècle n’auraient pas rencontré à Florence ou à Rome non-seulement des maîtres, mais même des égaux. Loin d’avancer un paradoxe, on rétablit au contraire un fait en disant qu’on trouverait difficilement alors dans l’école italienne des rivaux à opposer aux sculpteurs et aux architectes qui se succédèrent en France depuis Jean Cousin jusqu’à Jean Goujon, depuis Pierre Lescot jusqu’à Philibert Delorme.

À l’époque où Cellini vint s’installer à Paris. (1540), plusieurs de ces excellens artistes n’avaient pas, il est vrai, produit encore leurs plus importans ouvrages ; mais le nombre de ceux qui avaient fait leurs preuves était assez considérable déjà pour que le nouveau venu dût au moins tenir quelque compte d’une école à laquelle ne manquaient ni les précédens, ni l’activité. Et cependant il semble qu’en se mettant ici à la besogne, il ait eu pour mission d’initier à l’art un peuple qui jusque-là n’en avait rien pu savoir ! Entreprend-il, sur l’ordre du roi, de composer et d’exécuter l’ensemble d’une décoration pour la porte du palais de Fontainebleau : on dirait presque qu’il y va de l’avenir de la sculpture en France, et qu’une pareille tâche aux mains d’un pareil homme servira d’immortel exemple à quiconque essaiera de manier un ébauchoir. Il n’est pas inutile d’ailleurs de faire remarquer que celui qui s’érigeait ainsi en initiateur souverain en était lui-même à commencer son apprentissage de sculpteur. En Italie, Cellini n’avait produit encore que des ouvrages d’orfèvrerie et de joaillerie, ce qui ne l’avait pas empêché, à son arrivée en France, d’exiger un traitement annuel égal au traitement alloué autrefois à Léonard de Vinci. C’était bien le moins que, pour consoler le roi de la mort d’un grand peintre, il lui promît tout d’abord un grand sculpteur, et qu’il songeât à doter notre pays d’un équivalent en bronze ou en marbre de la Joconde, dût ce chef-d’œuvre être son coup d’essai. Or ce morceau destiné à nous révéler les conditions du beau et du grand style, ce modèle qui devait populariser parmi nous toutes les perfections de la statuaire, on sait la mine qu’il fait aujourd’hui au Louvre à côté des spécimens de la sculpture française, Expiation bien méritée des vantardises de Cellini : sa Nymphe de Fontainebleau, placée en regard des œuvres de Jean Cousin et de ses successeurs, ne réussit qu’à rendre sensibles la vanité de ce talent qui prétendait régénérer l’art de notre pays et l’autorité de l’école que Cellini dédaignait si cavalièrement.

De toute la décoration imaginée par l’artiste florentin, il n’est