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le nom d’établissement du Cap-Coast. Cette forteresse était le chef-lieu militaire des Anglais. Annamabou, situé dix milles plus à l’est, était leur grand marché d’esclaves. C’est là que la puissante tribu des Ashantis, ainsi que les Fantis, leurs alliés et courtiers, qui occupaient la côte, dirigeaient les nombreux captifs qu’ils allaient enlever dans le pays des Chambas. Ces esclaves étaient fort recherchés, car les Chambas sont un peuple agriculteur, doux, traitable et inoffensif ; mais, à défaut de prisonniers faits chez ces voisins timides, les Fantis et les Ashantis vendaient aux négriers leurs propres compatriotes. Les prétextes ne leur manquaient jamais pour trouver des esclaves, et quand les criminels se faisaient rares, le frère amenait son frère au marché la chaîne au cou ; le père de famille y amenait ses enfans. Les Fantis et les Ashantis, qu’on pouvait à la rigueur considérer comme une seule et même nation, étaient d’un noir de jais, musculeux, marqués de trois incisions verticales à chaque tempe et sur le derrière du cou. Leur humeur sournoise et chagrine inquiétait fort les capitaines négriers. Si quelque révolte éclatait à bord, c’était toujours à ces esclaves turbulens qu’il fallait s’en prendre. Heureusement les Chambas, que les Fantis et les Ashantis affectaient de dédaigner, les haïssaient cordialement de leur côté. Dans la plupart des soulèvemens, ils restaient neutres ou faisaient cause commune avec l’équipage du navire pour comprimer la révolte.

Privés du commerce des esclaves, les nègres d’Annamabou et du Cap-Coast se sont, depuis l’époque où je visitai l’Afrique, adonnés, comme ceux d’El-Mina, au commerce de l’huile de palme et de la poudre d’or. La population noire d’Annamabou compte encore aujourd’hui trois ou quatre mille âmes. La tribu des Ashantis est devenue la plus redoutable tribu de la côte occidentale d’Afrique, et serait sans rivale si l’empire despotique du roi de Dahomey, après s’être étendu jusqu’au golfe de Bénin, n’eût grandi plus rapidement encore que cette république fédérative.

Le mouillage d’Amokou, rade foraine près de laquelle la France venait de fonder un comptoir, fut marqué pour moi, comme celui de Portandic, par un de ces malheurs qui servent à l’instruction du marin. J’appris à n’aborder qu’avec une extrême circonspection les côtes que bat en brèche la houle de l’Atlantique. Le grand canot de la frégate s’approcha sans les précautions nécessaires de la plage : une lame l’enveloppa, et il disparut à l’instant. On parvint à sauver une partie de l’équipage ; mais deux de nos meilleurs matelots, qui nageaient cependant parfaitement, furent ensevelis dans les sables que la mer, lorsqu’elle déferle avec violence, soulève et roule sur le rivage.

Peu de jours après cet accident, nous appareillâmes d’Amokou