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que l’époque présumée de leur arrivée dans les colonies. Ces renseignemens devaient déterminer nos conditions de vente lorsque nous arriverions à Saint-Domingue, car le commerce des nègres avait à cette époque, aussi bien que celui des blés, du coton ou du sucre, ses hausses inespérées et ses dépréciations subites.

La falaise argileuse qui commence au promontoire de Kabenda atteint, avant de s’abaisser vers l’embouchure de la Luisa-Loango, une élévation de cent pieds au moins. Ce n’est que par un sentier sinueux creusé dans cette argile qu’on atteignait le plateau sur lequel était bâti le village de Malemba, placé sous la domination du chef de Makongo. Ce chef ne résidait pas à Malemba, mais à Chingelé, village considérable situé à vingt milles environ dans l’intérieur. En arrivant au sommet de la falaise, on découvrait, aussi loin que la vue pouvait s’étendre vers l’est et vers le sud, une belle et vaste plaine, non moins plate et non moins unie que les steppes de la Tartarie ou les prairies du Nouveau-Monde. Une herbe luxuriante couvrait cette savane africaine, parsemée à de rares intervalles de bouquets d’arbres qui semblaient avoir été plantés par la main des hommes. Du côté du nord, l’uniformité monotone qui eût pu gâter la beauté d’un pareil paysage était heureusement brisée par les détours capricieux de la Luisa-Loango, dont le méandre s’égarait, entre deux rives boisées, jusqu’au bord de la mer.

Le climat de Malemba est, dit-on, très salubre, du moins si on le compare au climat des autres points de la côte occidentale d’Afrique. C’est un avantage que Malemba paraît devoir à la sécheresse habituelle de l’atmosphère et du sol, et surtout à l’absence de ces épaisses forêts où couvent tant de miasmes funestes. Malemba fut désigné, il y a une trentaine d’années, au gouvernement anglais par le capitaine John Adams, comme le point de la côte d’Afrique sur lequel une colonie européenne aurait le plus de chances de prospérer ; ce projet ne fut point accueilli, et jusqu’à ces derniers temps Malemba n’a vu d’autre établissement européen que les barracons des marchands d’esclaves espagnols, brésiliens et portugais. Du reste, en refusant de prêter l’oreille aux suggestions du capitaine Adams, le gouvernement britannique me paraît avoir fait acte de sagesse. Fonder des colonies en quelque lieu que ce soit sous les tropiques aujourd’hui que la traite et l’esclavage des noirs sont également abolis, cela me paraît une entreprise fort aventureuse, à moins que ces colonies, réduites autant que possible dans leur étendue et dans leurs dépenses, ne soient tout simplement des centres commerciaux ou des postes militaires.

Nous ne restâmes que quelques jours au mouillage de Malemba. Au moment où nous allions mettre sous voiles, une scène affreuse,