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tronc qui lui donna naissance et tendre à se confondre avec la géologie. Là elle a formé toute une école qui mesure les révolutions du globe aux variations des faunes éteintes. Par suite de cette tendance même, elle s’attache aujourd’hui de préférence aux dépouilles des invertébrés et récolte avec plus d’empressement les coquilles et les polypiers que les ossemens fossiles. Du reste elle enfante chaque jour des ouvrages considérables et d’une incontestable valeur ; mais aucun n’embrasse dans leur ensemble ces milliers de détails, relevés presque toujours en vue des applications géologiques : bien peu en signalent l’importance zoologique. Et pourtant quel plus magnifique but de recherches et de méditations pour un esprit élevé que la succession des espèces animales à la surface du globe, l’apparition et la disparition des types divers, les traces que chacun d’eux a laissées dans la création actuellement vivante, — l’étude enfin des rapports nécessaires qui, à travers les transmutations et les cataclysmes, relient toujours l’un à l’autre l’animalité et le monde ambiant ?

Les instincts utilitaires de notre époque, si fortement prononcés dans les sciences physico-chimiques, ne pouvaient manquer de se manifester dans les sciences naturelles, dans la zoologie en particulier : ne nous en plaignons pas. On comprendra mieux l’importance du savoir pur en jouissant de ses applications. D’ailleurs, pour être devenues industrielles au premier chef, la chimie, la physique, n’ont rien perdu de leur élévation intellectuelle. Que les savans de profession conservent pieusement le feu sacré, mais qu’ils ne le tiennent pas dans l’ombre et le laissent réchauffer, éclairer ceux qui demandent la chaleur et la lumière. En parlant ainsi, je ne crains pas qu’on se méprenne sur le sens de mes paroles. Ce n’est pas moi qu’on accusera d’être un utilitaire exagéré ; j’ai trop souvent ici même pris la défense de la science pure contre ceux qui en méconnaissent à la fois et l’importance et les bienfaits réels. Expression la plus élevée de tout un côté de l’intelligence humaine, elle ne saurait se ralentir dans ses progrès sans trahir par cela même une profonde et déplorable décadence. Mère de tout ce qu’admirent et demandent les hommes pratiques, elle ne pourrait déchoir sans entraîner la déchéance même des applications. Néanmoins jamais je n’ai méconnu ce qu’il y a de légitime, de glorieux et de profondément caractéristique pour notre siècle dans cette utilisation de la science. Jusqu’à ce jour, la zoologie avait été négligée à ce point de vue. On reconnaît enfin que seule elle peut résoudre une foule de problèmes qui touchent au bien-être de populations entières, aux raffinemens du luxé aussi bien qu’aux nécessités premières. Déjà, sous l’influence de ces idées nouvelles, un enseignement de zoologie appliquée ou