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navire qui partait pour l’Amérique. Par une juste défiance de son incurable prodigalité, il voulut payer d’avance le prix de son passage. Le vent était contraire, et il ne changea pas de plusieurs jours. Que faire à Cork ? Le capitaine présenta Olivier dans plusieurs maisons. Olivier, qui se liait aisément, eut bientôt fait des amis par lesquels il se laissa emmener à la campagne. Quand il revint à Cork, il n’y retrouva plus le navire : le vent était tout à coup devenu bon, et le capitaine, après avoir fait chercher partout son passager, s’était décidé à partir sans lui. Il ne restait à Goldsmith qu’une couple de guinées ; il acheta un cheval hors d’âge, qu’il baptisa du nom de Fiddleback à cause de son excessive maigreur, et il reprit lentement le chemin de Ballymahon avec 5 shillings dans sa poche. En route, il vint à songer à un de ses anciens condisciples qui l’avait souvent invité à venir chez lui, lorsqu’ils étaient à l’université ; il résolut d’aller lui demander assistance. Son ami commença par le recevoir à bras ouverts, puis, découvrant en lui un emprunteur, changea aussitôt de conduite et de langage. Il fit souper Olivier avec du petit-lait et du pain noir, et le lendemain, au lieu de lui prêter de l’argent, lui donna un bon conseil : « Défaites-vous de votre cheval, lui dit-il ; je puis vous en fournir un qui ne vous coûtera point à nourrir et vous conduira partout où vous voudrez aller. » Et il présenta à Olivier un gros bâton de chêne. D’autres demeures furent plus hospitalières, et après une disparition de six semaines, Olivier fit son entrée à Ballymahon perché sur le fidèle Fiddleback. Il n’osa point se présenter tout d’abord devant sa mère après cette nouvelle mésaventure, et pour la fléchir il lui adressa le récit de sa folle expédition dans une lettre qui peut soutenir la comparaison avec les meilleurs chapitres du Vicaire de Wakefield.

Voilà donc l’enfant prodigue revenu encore une fois à la maison. Le gronder était chose facile, mais ne menait à rien. Il reconnaissait ses torts de la meilleure foi du monde, il renchérissait sur tous les reproches qu’on pouvait lui faire. Il n’y avait pas moyen de tenir rigueur à une nature si douce, si confiante et si bonne. Il fallait cependant lui trouver une carrière. Un conseil de famille fut tenu : puisque Olivier ne convenait pas à l’église, et que l’enseignement ne lui convenait pas, n » pouvait-il essayer du barreau ? Il fut décidé qu’il retournerait à Dublin pour y suivre les cours de droit : l’oncle Contarine, toujours indulgent, lui donna 50 guinées pour ses dépenses d’une année. Olivier n’était point encore au bout de ses mésaventures. En entrant dans Dublin, il fit rencontre d’une ancienne connaissance : c’était un de ses compatriotes, un mauvais sujet, qui, flairant en lui une dupe, l’entraîna dans une maison de jeu et le dépouilla de son dernier shilling. La confusion d’Olivier