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une de ces fêtes musicales connues en Allemagne sous le nom de festival. Sous la direction de M. Pasdeloup, chef de la Société des jeunes artistes, on a exécuté pour la première fois à Paris, Si ce n’est en France, un oratorio de Mendelssohn, Elie, que l’Allemagne et l’Angleterre admirent depuis longtemps. On sait que dans l’œuvre considérable de Mendelssohn, qui est mort le 4 novembre 1847, se trouvent deux oratorios, Paulus et Elie, composés sur la prose même de la Bible, arrangée à cet effet par le musicien. Le sujet d’Elie est tiré du livre des Rois. Déjà Sébastien Bach, au milieu du XVIIIe siècle, avait composé une œuvre considérable, la Passion, sur le texte, scrupuleusement observé, de l’évangile de saint Matthieu. Handel au contraire se faisait écrire les libretti de ses oratorios par des poètes anglais, auxquels il donnait un canevas des scènes qu’il avait choisies pour thème de ses inspirations grandioses. C’est à Mendelssohn et à son maître, le vieux Zelter, qu’on doit la première exécution qui se fit à Berlin de la Passion de Sébastien Bach. L’Elie de Mendelssohn a été traduit en vers français par M. Maurice Bourges, et la partition pour piano et chant a été publiée à Paris, depuis une dizaine d’années, par la maison Brandus. Au festival des Champs-Élysées, on n’a exécuté que la première partie de l’oratorio de Mendelssohn, tandis qu’au congrès de l’ouest, en 1856, il fut donné en entier. Aujourd’hui nous voulons seulement constater l’effet produit par certains morceaux de l’œuvre de Mendelssohn, sans entrer dans des développemens qu’il faut réserver pour une autre occasion.

Le programme, divisé en deux parties, a commencé par l’ouverture du Freyschütz, qui a été rendue avec énergie, puis est venue une Méditation de M. Gounod sur un prélude de Bach, un de ces joyaux d’harmonie et de modulation qui sont sortis de l’officine de ce grand forgeron de formes musicales. Confié à la harpe, le prélude de Bach a été enchâssé par M. Gounod dans une belle phrase mélodique rendue par les violons, et accompagnée de tout l’orchestre et du chœur. Il y a une progression ascendante du plus bel effet, et toute cette composition élégante fait le plus grand honneur au goût de M. Gounod. Le morceau a été redemandé par le public ravi. La première partie de l’oratorio de Mendelssohn, composée de dix-neuf morceaux, a rempli tout le reste du programme. Après un récitatif de quelques mesures dans lequel le prophète Élie annonce aux Hébreux le châtiment du Seigneur, suivi d’un prélude original de l’orchestre, vient un chœur à quatre parties chanté par tout le peuple éploré. On a surtout remarqué un charmant duo pour voix de femme d’une simplicité mélodique qu’on est surpris de trouver dans le style ordinairement compliqué de Mendelssohn. Le récitatif et l’air du ténor chantés par Abdias nous ont paru manquer de caractère, tandis que le chœur qui lui succède est d’une belle harmonie religieuse. Le duo pour soprano et basse entre Élie et la veuve de Sarepta rappelle heureusement la belle déclamation lyrique de Gluck. Nous pouvons encore signaler un très beau chœur, — Heureux qui toujours l’aime, — celui des prêtres de Baal, — O Dieu d’Israël ! — la prière ou choral qui vient après, et quelques passages d’un air en la mineur que chante encore Elie. Ce sont là les différens morceaux de cette grande composition, un peu monotone, dont nous avons pu saisir au passage les beautés relatives et apprécier le style élevé et soutenu. On y chercherait vainement une de ces inspirations