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restitution des provinces illyriennes, de la Vénétie, de la Lombardie et du Tyrol. L’impératrice fut des plus ardentes à pousser l’empereur dans ces voies extrêmes. C’était une princesse d’un esprit exalté, mais peu judicieux, et qui avait la vanité de jouer à Vienne le rôle que la belle reine Louise de Prusse avait rempli autrefois à Berlin. Elle avait les passions politiques de cette princesse, sans avoir la grâce ni les charmes qui nous l’avaient rendue autrefois si dangereuse. Le mariage de l’archiduchesse Marie-Louise avec l’empereur des Français avait développé dans son cœur des sentimens d’envie qu’elle s’efforçait vainement de masquer sous les apparences d’une tendre pitié pour le sort de la jeune impératrice, et son salon était devenu le rendez-vous de tout ce que la cour, l’armée et la haute noblesse comptaient d’adversaires passionnés de la France. Elle ne pouvait pardonner à M. de Metternich d’avoir fait le mariage et l’alliance, et elle s’en vengeait par des sarcasmes. Heureusement elle n’exerçait aucun crédit sur l’esprit de l’empereur François, qu’elle troublait et fatiguait, et qui sut résister à ses téméraires conseils aussi bien qu’aux séductions de lord Walpole. Ce souverain et M. de Metternich connaissaient les ressources infinies de la France, le génie de son chef, et ils ne croyaient pas qu’il fût aussi facile de les abattre que se plaisaient à le dire les courtisans. Sans doute la France avait perdu une armée admirable, mais ce n’était point le fer de ses ennemis qui l’avait détruite ; c’étaient les rigueurs d’un climat terrible, et le fléau n’avait épargné personne. Des deux côtés il y avait égalité de misères et de ruines, une même fermeté d’âme en présence d’aussi grands maux, une même activité pour les réparer. Avant peu de mois, de nouvelles armées allaient se retrouver en présence et se disputer encore une fois la suprématie du continent. Les malheurs de la France avaient pris d’ailleurs l’Autriche au dépourvu. Comme elle n’avait point fait entrer une telle catastrophe dans ses prévisions, elle ne s’était point mise en mesure d’en tirer parti, et, dans l’hypothèse d’une rupture avec nous, il lui fallait plusieurs mois pour s’y préparer. Elle avait donc toute sorte de raisons pour nous ménager en ce moment. Toutefois elle avait un intérêt trop évident à notre affaiblissement pour n’avoir pas ressenti du désastre qui venait de nous frapper une secrète joie. Avant l’expédition de Russie, la main de Napoléon pesait sur l’Autriche comme sur toute l’Allemagne. Aujourd’hui le cabinet de Vienne entrevoyait le moment où, avec le sentiment de sa liberté, il retrouverait le pouvoir d’en user. Il est vraisemblable que, sur deux points au moins, sa résolution était arrêtée irrévocablement. Le premier était de se soustraire insensiblement aux obligations de l’alliance contractée en 1812 et de proposer aux puissances belligérantes son intervention officieuse et amicale pour les rapprocher et les pacifier,