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desseins de la Russie, si désintéressée elle-même, il y avait tant de danger à lui montrer de la défiance, et, pour peu qu’elle voulût bien y mettre de la bonne foi, elle pouvait, à la faveur de son intervention officieuse, nous rendre de si grands services, qu’il n’hésita pas à accueillir ses offres. Le duc de Bassano écrivit le 7 janvier au comte Otto : « Préalablement il doit être bien entendu que, dans le cas où les dispositions de l’empereur Alexandre rendraient cette démarche inutile, l’Autriche prend dès aujourd’hui l’engagement d’agir avec vigueur et de porter la force du corps auxiliaire de 30,000 à 60,000 hommes. Sa majesté fournirait les sommes nécessaires pour la couvrir de l’augmentation de dépenses qui en résulterait pour elle. » Le duc de Bassano pose ensuite deux hypothèses. La première est celle où la Russie aurait contracté avec le cabinet anglais des engagemens qui ne lui permettraient pas de traiter de la paix séparément. « Dans ce cas, dit-il, voici nos conditions. Il y a un point duquel la France ne se départira pas et qui doit être tenu pour invariable, c’est qu’aucun des territoires réunis par des sénatus-consultes ne saurait être séparé de l’empire. Une telle séparation serait considérée comme une dissolution de l’empire même : il faudrait, pour l’obtenir, que 500,000 hommes environnassent la capitale et fussent campés sur les hauteurs de Montmartre. Hambourg, Munster, Oldenbourg, Rome, sont unis à l’empire par des liens constitutionnels, ils y sont unis à jamais ; mais les provinces illyriennes, la Dalmatie, Corfou, non plus qu’une partie de l’Espagne, ne sont point réunis constitutionnellement à l’empire. Sa majesté pourrait donc considérer les provinces illyriennes comme des objets de compensation pour des restitutions que ferait le gouvernement anglais. »

Ainsi la restitution des provinces illyriennes était promise à l’Autriche comme le prix de ses loyaux efforts pour rétablir la paix générale. Restait la seconde hypothèse, celle où la Russie, ayant conservé sa liberté d’action, se prêterait à la négociation d’une paix séparée. Le ministre français déclare que, comme cette puissance a eu des succès dus, non à elle, mais à la rigueur du climat, l’empereur, ne consultant que son amour pour la paix, consentira à affranchir la Russie des obligations du traité de Tilsitt, et lui laissera l’intégrité de ses possessions polonaises ; « mais, ajoute le duc de Bassano, si ces conditions ne lui suffisaient pas, si elle voulait faire des conquêtes, s’agrandir aux dépens, soit de l’Autriche, soit de la Prusse, soit du duché de Varsovie ou de la Turquie, l’Autriche serait la première intéressée à ce que cela n’arrivât pas. La France ne le saurait souffrir. La paix serait impossible. » Du reste, l’empereur n’entendait aucunement figurer dans la négociation qui allait s’ouvrir ; c’était la cour de Vienne qui en avait pris l’initiative : c’était à elle de la diriger et de la conduire à bien.