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à sa poursuite, le débordèrent et interceptèrent ses communications avec le duc de Tarente. Le 25 décembre, au moment où les Prussiens allaient déboucher de Taurogen, le général Diebitch envoya un parlementaire à York pour solliciter de lui une entrevue. La situation des Prussiens était critique ; ils traînaient après eux une quantité de fourgons et d’ambulances et un matériel d’artillerie considérable qui embarrassaient leur marche ; mais les Russes n’étaient en mesure de leur opposer que de faibles détachemens. La plus forte de leurs colonnes avait été à peu près détruite par Macdonald à Pictupohnen, et York avait plusieurs marches d’avance sur Wittgenstein. Pour des gens de cœur décidés à s’ouvrir la route l’épée à la main, il y avait certitude de rejoindre Macdonald. York néanmoins accepta l’entrevue et dès-lors se livra moralement. Diebitch s’attacha à le convaincre que s’il persistait à se retirer sur Tilsitt, il perdrait infailliblement ses convois et son artillerie. L’entretien se termina sans qu’il eût été pris aucun arrangement.

Le 27, York écrivit à son souverain : « Depuis deux jours, je suis coupé du maréchal Macdonald ; je ne crois pas que je réussisse à me réunir de nouveau à lui, et je serai forcé, dans le cas où je serais enveloppé par un corps russe, de songer à sauver, avant tout, l’armée du roi. Je suis du reste sans instructions : ni le comte de Brandebourg, ni le capitaine Schack, ni le major Seidlitz ne sont encore revenus de Potsdam. Je suis donc, avec la meilleure volonté du monde, exposé à me tromper. Si je fais mal, je mettrai sans murmurer ma vieille tête grise aux pieds de votre majesté : la crainte de lui déplaire me préoccupe. »

L’on touchait au moment décisif, et c’était pour ce moment que l’astucieux Paulucci avait tenu en réserve un dernier et suprême moyen. Le 26 décembre, le comte de Dohna se présente de sa part devant le général York, et lui remet une lettre de l’empereur Alexandre, datée du 6 décembre et adressée au gouverneur de Riga. L’empereur l’autorisait à déclarer au général York qu’il était prêt à conclure avec la Prusse un traité par lequel il s’engagerait à ne mettre bas les armes qu’après avoir obtenu pour la Prusse une extension de territoire assez considérable pour lui rendre, parmi les grandes puissances européennes, la position qu’elle avait avant la guerre de 1806. À la lettre de l’empereur Alexandre en était jointe une autre du marquis de Paulucci, dans laquelle ce général recourait tour à tour aux plus pressantes sollicitations, à la flatterie, à l’imposture même, présentant l’armée russe comme étant dans la position la plus florissante, et enfin à la menace, si le général prussien refusait de signer la convention. La passion qui remplissait depuis longtemps le cœur d’York ne le portait que trop à en finir et à se démasquer. La lettre de l’empereur Alexandre le décida, et le 28 dans la soirée il remit